Origine de l'Ordre du Temple
L'ordre du Temple est un ordre religieux et militaire fondé
en 1119 en Terre Sainte après la 1ère Croisade, à
l'initiative du chevalier champenois Hugues de Payns aidé
de quelques preux chevaliers. Le roi de Jérusalem Baudoin
II leur octroie pour installer leur siège la mosquée
Al-Aqsa, où était anciennement situé le temple
de Salomon, d'où leur nom.
La mission initiale de l'Ordre du Temple est de défendre
la chrétienté en Orient :
- assurer la garde des Lieux Saints de Palestine,
- protéger les pèlerins et les routes menant à
Jérusalem, notamment celle situées le long de la
côte méditerranéenne
entre Haïfa et Césarée de Palestine, à
l'est de Nazareth (un défilé très dangereux
entre les montagnes).
Sceau du Temple :
L'un des plus célèbres sceau de l'ordre est
celui du 19ème Maître du Temple Rainaldus de
Vicherio, figurant deux cavaliers sur un même cheval
: sa signification pose une énigme, car la règle
du Temple interdit que deux hommes chevauchent sur une "même
beste".
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L'ordre est officialisé par le Pape Honorius II lors du
concile de Troyes en 1128 : il bénéficie d'une indépendance
totale, morale et financière par rapport aux rois : les
Templiers ont ainsi le privilège de dépendre directement
du Pape !
L'Eglise justifie la possibilité de concilier "guerre
et prière" de la manière suivante : faire la
guerre pour des motifs matériels est illicite, mais la faire
pour la gloire du Christ devient licite. Saint Bernard les considère
comme la "milice du Christ", comme le bras séculier
des ordres monastiques contemplatifs
L'organisation, dirigée par le Grand Maître,
est la suivante :
- les chevaliers, seuls combattants, sont recrutés
dans la noblesse,
- leurs auxiliaires, sergents et écuyers, appartiennent
à la bourgeoisie ou au peuple,
- les prêtres assurent le service religieux et les
sacrements,
- enfin, des serviteurs et aides divers viennent du bas
de l'échelle sociale.
Les ordres de "moines soldats"
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Une tournée dans toute l'Europe pour lever des fonds est
organisée en 1128 puis à partir de 1136, le nouveau
Grand Maître Robert de Craon commence à essaimer des
commanderies : l'ordre tisse sa toile !
Etendard des chevaliers templiers
Ce dernier est qualifié dans la symbolique templière
de "gonfanon baucent" (du francique gundfano, "drapeau
de guerre").
Il était inscrit : "Non nobis domine non nobis
sed nomini tuo da gloriam" ("Non pas à
nous Seigneur, non pas à nous, mais à ton Nom,
donne la gloire")
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Développement de l'ordre
Le prestige des moines-soldats au manteau blanc frappé d'une
croix vermeille a été immense pendant les deux siècles
qu'ont duré les Croisades : au début du XIIIe, le
Temple dispose d'une force militaire impressionnante de 15000 hommes
dont 1500 chevaliers, bien plus que n'importe quel roi de la chrétienté
aurait pu en lever.
Les Templiers développent une dualité complémentaire
:
- En métropole, l'intendance économique
:
Ils contrôlent de 2000 à 3000 commanderies (Domus
Templi) en Europe, dont 1200 en France (les chiffres sont variables
du simple au double en fonction des ouvrages consultés).
On peut citer l'assainissement d'un vaste marécage en bord
de Seine à Paris ... quartier qui deviendra le Marais ! Ils
mettent aussi en valeur de vastes terrains par leurs travaux agricoles.
Le donjon du Temple de Paris
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Le Temple de Paris, véritable forteresse,
devient le centre des opérations financières
pour toute l'Europe Occidentale et le Maître du Temple
y réside.
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Vue d'ensemble
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Après l'arrestation des templiers, le site sera été
occupé par les Hospitaliers, qui maintiendront le droit d'asile
pour les nécessiteux jusqu'à la Révolution.
Les travaux de modernisation du Baron Haussmann mettront un terme
définitif à ce qui aura été le plus
grand établissement templier d'Europe.
Il ne reste quasiment aucun vestige de ce temple : à part
le nom des rues qui évoquent le noms de quelques chevaliers,
il ne subsiste que la partie inférieure d'une tour d'angle
de l'ancienne enceinte située entre le 17, le 32 de la rue
de Picardie et le 73 de la rue Charlot ou encore les vestiges de
l'hôtel des Barres édifié par les templiers
au 56 de la rue de l'Hôtel de Ville.
- En Terre Sainte, l'armée régulière
et permanente du royaume franc de Jérusalem
Ils construisent de nombreuses forteresses pour contrôler
les territoires francs : l'Ordre du Temple et ses Kraks (ou cracs)
marqueront alors de leur empreinte le royaume de Jérusalem.
Le kraks des Chevaliers
(Hostitaliers)
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Peinture de la chapelle de la commanderie du Dognon, fondée
vers 1150
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Seule force militaire bien organisée avec une véritable
unité de commandement et une discipline stricte, ces
moines-soldats encadrent des troupes féodales souvent
désordonnées qui formaient les armées
des croisades : placés en avant-garde de toutes les
attaques, en arrière-garde de toutes les retraites,
gênés par l'incompétence ou les rivalités
des princes qui commandaient ces armées d'aventure,
ils perdront en deux siècles plus de 20000 des leurs
sur les champs de bataille !
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Les templiers sont animés d'une foi et d'un courage à
toute épreuve, et leurs charges de cavalerie sont bien souvent
déterminantes durant les combats.
Parmi les innombrables faits d'armes, on peut citer :
- accompagnement de l'armée royale de Louis VII à
l'occasion de la 2ème croisade en 1149 : coupée
de son avant-garde qui s'est aventurée trop loin,
les assauts turcs sont contenus par les templiers. L'église
leur accorde à cette occasion la fameuse croix
vermeille, qui deviendra leur blason,
- en 1177, 80 templiers arrivés à marche forcée
appuyés par 500 chevaliers dispersent les 30000 mamelouks
de Saladin,
- en 1187, 500 chevaliers templiers sont massacrés
par 7000 mamelouks,
- le 3 juillet 1187, quelques dizaines de milliers de musulmans
encerclent à Hattin 25000 soldats francs dont 1200
chevaliers templiers suite à un ordre irresponsable
du Grand Maître Gérard de Ridefort : tous les
templiers faits prisonniers sont décapités,
sauf leur Grand Maître ; la bataille
de Hattin entre dans la légende !
- en 1244, les templiers défendent Jérusalem
face aux Turcs : ils perdent la ville Sainte après
un combat héroïque mené par 348 templiers
... dont seulement 36 survivront.
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Les possessions franques de Terre Sainte tombent définitivement
entre les mains des musulmans avec la chute de Saint-Jean-d'Acre
le 28 mai 1291, malgré la résistance héroïque
des templiers autour du Grand Maître Guillaume de Beaujeu
: cet événement met fin à
2 siècles de présence franque en Orient, et le rôle
défensif des templiers s'en trouve remis en cause.
D'une puissance militaire vers une puissance économique
A partir du XIVe, les templiers se sont reconvertis de moines soldats
en banquiers et ont complètement perdu
de vue la reconquête des Lieux Saints de Palestine, quittés
en 1291.
L'ordre est devenu immensément riche grâce :
- aux considérables donations que les riches consentent
pour le "salut de leur âme",
- aux legs des seigneurs ou chevaliers qui souhaitent devenir
templiers et lui confient leurs richesses,
- aux dons des "manants" qui souhaitent les aider dans
leur mission initiale de protection des pèlerins,
- aux quêtes organisées dans les églises,
- aux redevances sur les marchés, moulins, chasses, coupes
de bois sur leurs terres ; le Temple étant alors le 1er
propriétaire foncier en Europe !
- à l'exemption d'impôts dont il bénéficie
et autres privilèges octroyés par le Pape.
Ainsi, le Temple s'est mué en une puissance économique
et devient l'une des principales institutions financières
occidentales ... et la seule qui soit sûre. Les "pauvres
chevaliers du Christ" exécutent les opérations
financières suivantes :
- banquier des biens de l'Eglise et de ceux des rois d'Occident
: on peut citer Philippe le Bel, Jean sans Terre, Henri III,
- prêt de sommes conséquentes pour les croisades
ou autres,
- attestation de crédit : les pèlerins confient
leur argent aux commanderies templières qui leur délivrent
une attestation de crédit à hauteur des sommes perçues.
Ils peuvent ainsi récupérer leur argent dans n'importe
quelle autre commanderie templière et ne sont ainsi plus
détroussés en chemin !
Le début de la disgrâce
- Perte de la faveur populaire :
Après l'unanimité du XIIe suscitée par les
croisades et la chrétienté conquérante, l'opinion
européenne commence à s'interroger à partir
de la fin du XIIIe sur la légitimité du Temple : leur
inactivité, leur arrogance et leur statut "intouchable"
jettent le discrédit sur eux. La méfiance du peuple
est attisée par tant de richesses et par le luxe ostentatoire
dans lequel vivent certains templiers : où est la foi, l'austérité
et l'humilité à l'origine de l'ordre ? Le fait de
mener une vie sans rapport avec l'idéal monastique initial
est jugé inacceptable. Il en est resté l'expression
"boire comme un templier" !
Même le pape Clément IV leur lance un avertissement
: "Que les templiers se gardent de lasser ma patience afin
que l'Eglise ne soit pas obligée d'examiner de plus près
certaines choses répréhensibles supportées
jusqu'à ce jour avec trop d'indulgence ...".
- La disgrâce du pouvoir capétien
et des seigneurs :
La royauté est frustrée de ne pas pouvoir contrôler
les templiers : l'ordre devient de plus en plus incompatible avec
l'affirmation croissante du pouvoir des capétiens. Comment
Philippe le Bel, en conflit avec la papauté, peut-il supporter
sur son royaume ces puissants et riches chevaliers qui ne dépendent
que de l'autorité du Pape ?
De plus :
- le roi est frustré d'avoir essuyé un vif rejet
suite à sa demande pour se faire nommer Grand Maître
de l'Ordre !
- Guillaume de Nogaret souhaite,
suite à sa compromission dans l'attentat
d'Anagni contre le précédent Pape, bénéficier
d'une réhabilitation vis à vis de la chrétienté.
Suivant une idée déjà ancienne évoquée
par Saint Louis et la papauté, Philippe le Bel souhaite la
fusion de l'ordre du Temple avec celui des Hospitaliers afin de
constituer une force suffisante pour préparer une nouvelle
croisade : l'affaire est mise à l'ordre du jour de plusieurs
conciles mais son échec résulte de l'entêtement
et de l'étroitesse d'esprit du Grand Maître Jacques
de Molay. Durant l'été 1306, Jacques de Molay donne
son opinion au Pape Clément V sur le projet de fusion : l'argumentaire
du Grand Maître n'a qu'un seul but non avoué, garder
une place qui risque de lui échapper !
L'arrestation et le procès des templiers
A la demande de Philippe le Bel, tous les templiers de France
sont arrêtés le 13 octobre 1307 à l'aube
par les sénéchaux et les baillis du royaume sous
des chefs d'inculpation douteux (profanation de la croix, idolâtrie
d'une tête de chat, sodomie) : il s'agit d'une opération
de police conduite dans le secret absolu par Guillaume de Nogaret,
1ère véritable rafle policière jamais organisée
! |
Sceau de
Guillaume de Nogaret
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Les 140 templiers de Paris sont arrêtés personnellement
par Guillaume de Nogaret accompagné de gens d'armes.
Rien qu'à Paris, 134 prisonniers sur 140 confirment l'exactitude
des accusations ... mais 38 succombent à la torture : on
peut donc douter de la sincérité des aveux !
Au reniement du Christ, aux rites obscènes et à la
sodomie, les confessions ajoutent encore l'adoration des idoles,
la cupidité, la négation des sacrements et les réunions
nocturnes secrètes. L'opinion publique et le roi lui-même
y voient la confirmation de leurs terribles soupçons sur
l'impiété des templiers et leur connivence avec les
forces du Mal !
Pour extorquer la "vérité" aux prisonniers
dans tout le pays, les commissaires royaux utilisent largement la
torture : très vite, les résultats des interrogatoires,
poursuivis par les inquisiteurs dominicains de l'église mandatés
par le Pape, confirment les affirmations de Philippe le Bel sur
la corruption de l'ordre
Il semble toutefois que le reniement de Jésus exigé
lors de l'admission d'un nouveau frère, une des accusations
les plus graves qui aient été portées contre
les moines soldats, soit incontestable : tous les aveux et témoignages
convergent et sont concordants. Les plus hauts dignitaires ont confirmé
cette pratique devant les cardinaux à Chinon, ainsi que 72
templiers lors d'une audition privée devant le Pape
La nouvelle de cette arrestation est reçue par le Pape Clément
V comme une grave offense à son pouvoir. Il apprend de plus
que des prisonniers ont rétracté leurs aveux devant
ses cardinaux : il décide d'interrompre les activités
des inquisiteurs. Cela ne convient pas à Philippe le Bel,
qui tente aussitôt de le convaincre de la culpabilité
de l'ordre en lui présentant 72 Templiers soigneusement choisis,
qui dressent un tableau terrible des crimes du Temple. Ainsi pressé
et persuadé, Clément V ordonne la formation dans chaque
diocèse de commissions ecclésiastiques chargées
d'examiner les cas individuels, tandis qu'une commission nommée
par lui siégera à Paris avec charge d'enquêter
sur l'ordre en général.
Depuis le début du procès, les aveux du Grand Maître
Jacques de Molay et des autres dignitaires avaient brisé
toute velléité de résistance. Aussi, lorsque
la commission pontificale demande à l'ordre de présenter
des défenseurs, plus de 500 membres du Temple manifestent
leur désir de s'exprimer et certains expliquent que la torture
est responsable des aveux en confirmant la pureté de leur
ordre : la résistance des templiers s'organise !.
Mais sous la pression de Philippe le Bel, le pape Clément
V, moins omnibulé par la théocratie prônée
par ses prédécesseurs, marque définitivement
la fin de l'Ordre du Temple en émettant sa dissolution le
3 avril 1312 ("Ad providam").
Le procès aura duré 7 ans et c'est donc sous l'usage
de la torture que les Chevaliers du Temple avoueront les crimes
qu'on leur impute.
- Le partage du trésor templier :
Le 3 mai 1312, le Pape affecte le trésor des Templiers à
l'ordre concurrent des Hospitaliers, à l'exception de la
part ibérique qui revient aux ordres militaires locaux :
ainsi les biens gardent une affectation destinée à
la défense de la foi. Le roi de France et ses conseillers
plaident en faveur de cette solution respectueuse de la volonté
des nombreux bienfaiteurs du Temple mais en 1313, sur la base de
documents comptables, l'ordre de l'Hôpital restitue 200 000
livres au trésor royal pour solde de tout compte. Le successeur
de Philippe le Bel, Louis X, réclamera un supplément,
estimant que son père a été floué :
l'affaire est close en 1317, quand le nouveau roi Philippe V reçoit
50 000 livres supplémentaires.
- La malédiction du Grand Maître :
Au bout de 7 ans d'emprisonnement (dont
une partie dans le Château Chinon), Jacques de Molay accompagné
d'autres dignitaires de l'ordre sont conduits le 18 mars 1314 devant
la cathédrale de Notre-Dame de Paris pour entendre le verdict
du procès : la sentence des juges est la prison à
vie. Mais Jacques de Molay et Geoffroy de Charnay, précepteur
de Normandie, haranguent la foule en disant que leurs aveux ont
été volés, que les templiers n'ont commis aucun
crime et sont victimes d'une machination : les deux hommes sont
alors condamnés au bûcher.
Jacques de Molay et son compagnon
sont brûlés vif à la pointe de l'île
de la Cité le 19 mars 1314 : ils demandent qu'on leur
desserre les liens des mains pour pouvoir les joindre en prière.
La plaque ci-contre rappelle le triste sort de cet homme
qui n'aura pas su réformer son ordre quand il en était
encore temps.
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La légende veut qu'à l'instant de succomber
dans les flammes, Jacques de Molay ait lancé une malédiction
à l'attention du roi et du Pape : "Pape Clément
! Roi Philippe ! Avant un an, je vous cite à paraître
au tribunal de Dieu pour y recevoir votre juste châtiment
! Maudits ! Maudits ! Tous maudits jusqu'à la treizième
génération de vos races !"
La malédiction du templier allait s'avérer
exacte : Clément V meurt le 20 avril 1314 d'étouffement
et Philippe le Bel décède en novembre 1314 d'un
ictus cérébral ; ses trois fils mourront dans
les 12 années à venir, sans laisser de descendance
mâle, mettant ainsi fin à
la lignée des Capétiens directs.
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Avec l'affaire du Temple, la monarchie capétienne
montre clairement qu'elle entend suivre son intérêt
politique et ne plus se comporter en vassale de l'Eglise.
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