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Fin de
la lignée directe capétienne (1314-1328) |
La descendance de Philippe IV le Bel
Le roi Philippe le Bel a eu quatre enfants qui atteindront tous l'âge
adulte :
- Louis X, l'aîné, avait un
caractère difficile qui lui valut le surnom de "Hutin"
: il épousera Marguerite de Bourgogne, fille de Robert de Bourgogne
et d'Agnès, elle-même fille de Saint Louis. Altière
et un rien frondeuse, cette jolie jeune femme aimait la vie.
- Philippe V le Long, prince intelligent,
épousera Jeanne d'Artois, fille d'Othon IV de Bourgogne et de
Mahaut d'Artois.
- Charles IV le Bel a une personnalité
plus effacée : il épousera Blanche, la soeur de Jeanne
d'Artois, plus frivole que cette dernière et facilement influencée
par sa belle-sur Marguerite.
Ces jeunes femmes donnaient à la cour un air de gaieté
très apprécié, qui contrastait avec l'austérité
du roi et de son entourage.
- Isabelle de France (surnommée
la Louve de France), seule fille de Philippe IV le Bel, épousera
le roi d'Angleterre Édouard II mais n'aura pas une vie
conjugale enviable : elle est délaissée par son
époux (qui préférait les jeunes pages), et
vivra au vu et au su de tous avec son amant, le baron Roger Mortimer.
La mort du roi anglais en 1327 et le trop jeune âge de
son fils Édouard III lui permettront d'exercer avec son
amant une régence de fait. Mais en 1330, Édouard
III reprend le pouvoir, fait exécuter Mortimer et reléguera
sa mère au château de Norfolk où elle mourra
en 1358.
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Sophie Marceau joue le rôle d'Isabelle dans le magnifique
film "Braveheart" de Mel Gibson
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L'affaire de la Tour de Nesles
Le drame éclate au printemps 1314 : le roi Philippe le Bel a 46
ans, se sent décliner dangereusement et voit l'avenir de la monarchie
d'un il pessimiste.
Les princesses adultères :
La fille de Philippe le Bel, Isabelle, reine d'Angleterre, indique au
roi qu'elle a vu deux chevaliers, les frères d'Aunay, arborer les
aumônières qu'elle avait offert à ses belles-soeurs.
Elle affirme que ces derniers passent leur temps avec les princesses.
Plaque indiquant l'emplacement
de la Tour de Nesles Quai Conti |
Le roi décide de faire mener l'enquête : les épouses
de ses trois fils, Marguerite de Bourgogne, reine de Navarre, Jeanne
et Blanche de Bourgogne, les deux soeurs mariées à
Philippe et Charles, sont vite reconnues coupables d'adultère.
Il apparaît qu'elles avaient coutume de se livrer à
la débauche en plein Paris, dans la Tour de Nesles, au bord
de la Seine.
Le scandale blesse cruellement l'amour-propre de ce roi profondément
pieux qui, d'après le témoignage des contemporains,
restera chaste après la mort de son épouse Jeanne
de Navarre, survenue 9 ans plus tôt.
Qu'est-ce que "la Navarre" ? Situé dans l'actuel
département des Pyrénées-Atlantique, ce territoire
sera rattachée à la France en 1284.
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Le sort des princesses :
Les 3 princesses sont jugées en avril et les châtiments
sont les suivants :
- Marguerite, 24 ans, est condamnée
à être tondue, vêtue d'une robe grossière
et emprisonnée à Château
Gaillard : elle occupera une cellule ouverte à tous vents
au sommet du donjon, et décédera peu après.
- Blanche, 18 ans, subira le même
sort que Marguerite, mais sera un peu mieux traitée dans un cachot
"enfoncé dans la terre" : elle sera ensuite transférée
à Gavray, en Normandie, et obtiendra l'autorisation de prendre
l'habit de religieuse. Elle meurt en 1326, à l'abbaye de Maubuisson.
- Jeanne, 20 ans, est déclarée
moins coupable du fait qu'il lui aurait été délicat
de dénoncer sa soeur et sa belle-sur. Elle est enfermée
au château de Dourdan.
La Tour de Nesles
L'affaire d'adultère des brus de Philippe le Bel est souvent
appelée à tort "Scandale
de la tour de Nesles".
L'hôtel de Nesles a bien existé : il a été
offert en 1319 à Jeanne par Philippe V le Long, mais n'a
pas été le théâtre de ces événements.
Jeanne l'occupera seulement après la mort de son époux.
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Cette gravure montre la Tour de Nesles telle qu'elle était
juste avant sa démolition en 1665. Elle a laissé
place à l'Institut de France et à la bibliothèque
Mazarine
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Le sort des amants :
Les frères d'Aunay sont aussitôt arrêtés et
subissent "la question" : ils avouent sans tarder et après
un rapide jugement à Pontoise pour crime de lèse-majesté,
ils sont exécutés dans le foulée en place publique.
Leur supplice est épouvantable : dépecés vivants,
leur sexe tranché et jeté aux chiens, ils sont finalement
décapités, leurs corps traînés puis pendus
au gibet. Dans le mouvement, quelques valets, accusés de complicité,
sont également sacrifiés.
Au-delà de l'affront fait à la famille royale, ce
crime était une atteinte aux institutions du royaume plus
encore qu'à la morale: il mettait tout
simplement en péril la dynastie capétienne.
- quelles auraient été la légitimité
et l'autorité d'un futur souverain dont on aurait pu mettre
en doute la royale paternité ?
- comment sacrer et donner l'onction divine à un roi qui
n'aurait pas été, sans équivoque possible,
le fils du roi précédent ?
Les implications politiques étaient si graves que le châtiment
se devait d'être exemplaire.
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Les Rois Maudits
Cet enchaînement de drames à la cour royale a fait
l'objet d'une célèbre traduction romanesque par Maurice
Druon, sous le titre "Les Rois Maudits"
:
- Le Roi de Fer (Philippe le Bel)
- La Reine Étranglée et Les Poisons de
la Couronne (sous le règne de Louis
X)
- La Loi des Mâles (décrit
l'impuissance des jeunes pour accéder à la couronne)
- La Louve de France et Le Lis et le Lion (Philippe
VI de Valois vaincu par Edouard III d'Angleterre)
- Quand un Roi perd la France (le Prince
Noir d'Angleterre fait prisonnier le roi de France Jean II le
Bon)
A propos de ce roman historique, l'auteur dit avoir pour maxime
"de ne jamais transiger avec la vérité historique
mais de prendre hardiment parti dans l'hypothèse".
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L'affaire de la Tour de Nesle est devenue une légende
sulfureuse au fil des ans : un mythe renforcé encore par le destin
des trois héroïnes.
Les derniers capétiens directs
- Louis X le Hutin succède à
la mort de Philippe IV le Bel en 1314, juste
après l'affaire de la Tour de Nesles : il avait déjà
eu une fille avec Marguerite de Bourgogne, Jeanne (future reine de Navarre
et mère de Charles le Mauvais).
La mort rapide de Marguerite dans sa prison (probablement une exécution)
permet à Louis X de se remarier avec Clémence de Hongrie.
Il manque d'envergure dans l'exercice du pouvoir et ne parvient pas
à juguler les revendications des grands féodaux frustrés
par la monarchie absolue qu'était parvenu à imposer Philippe
le Bel. Il cède en rétablissant de nombreuses "bonnes
coutumes" de Saint Louis, comme lui demandait son oncle Charles
de Valois. Il doit son qualificatif à son mauvais caractère,
"Hutin" signifiant "querelleur".
Il n'y aura qu'un enfant posthume, Jean 1er, qui ne vivra que 5 jours,
le règne le plus court de l'histoire de France !
La condamnation d'Enguerrand de Marigny
:
Il a été l'un le plus fidèle conseiller financier
de Philippe le Bel, mais suite à des hausses de prix, les
nobles se révoltent. Louis X opte pour la négociation
et fait habilement porter la responsabilité de la situation
sur Enguerrand de Marigny : il est jugé sans avoir le droit
de prendre la parole pour se défendre et sera pendu dans
la foulée au gibet de Paris en 1315 (Charles le Valois ne
souhaite sans doute pas qu'il évoque ses dettes). Des voleurs
descendront son cadavre pour le dépouiller, mais il sera
"re-pendu" ... et y restera exposé 2 ans selon
la coutume !
Après la mort de Louis X, sa mémoire sera réhabilitée
et il sera dignement inhumé. En 1475, le roi Louis XI élève
même un mausolée sur son tombeau, qui sera profané
à la Révolution.
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- Philippe V le Long succède à
son frère Louis X Le Hutin en 1316.
Il doit évincer son oncle Charles de Valois qui s'était
auto-proclamé régent, et n'a pas de mal à utiliser
l'affaire d'adultère pour écarter sa nièce Jeanne
de la succession au trône. Il se justifie par une interprétation
erronée de la loi salique interdisant aux femmes de coiffer la
couronne de France. Il est énergique et se distinguera en organisant
des assemblées ou états généraux dans le
but pacifier le royaume.
Jeanne d'Artois, son épouse réhabilitée, ne lui
donnera "que" trois filles et aucun garçon. Il est
atteint de fièvres en août 1321 et se consume lentement
avant de mourir 5 mois plus tard.
- Charles IV le Bel monte à son tour
sur le trône à la mort de son frère en 1322
: attaché à Blanche, malgré l'affront, il
vit douloureusement sa disgrâce. Les deux époux s'accordent
sur l'obligation politique d'annuler le mariage. Charles se souvient
que la mère de son épouse, Mahaut d'Artois, était
sa marraine et, par là même ... sa "mère spirituelle"
: son épouse Blanche était donc en quelque sorte "sa
soeur" ! Cette clause de parenté spirituelle étant
un motif de nullité prévu par le droit canonique, il peut
se remarier avec Marie de Luxembourg.
Mais cette 2ème épouse, enceinte, meurt prématurément
et Charles épouse Jeanne d'Évreux, sa cousine : nécessité
faisant loi, il faut bien que le Ciel s'accommode de cette autre parenté
!!!
Le roi, qui meurt en 1328, n'aura pas plus de chance avec cette 3ème
épouse : elle lui donne une fille qui meurt prématurément
puis une fille posthume. Sa personnalitémédiocre fera
dire que "ce roi régna grand temps sans rien faire".
Ainsi troublées furent les destinées conjugales des derniers
représentants des Capétiens directs : si Marguerite de Bourgogne
n'avait pas si gravement fauté, peut-être aurait-elle donné
un fils à Louis X, assurant ainsi la continuité de la dynastie
!
Ces événements permettent également à Charles
de Valois, oncle des monarques, de s'immiscer dans les affaires du royaume
et d'octroyer aux grands vassaux certaines prérogatives ôtées
par son frère Philippe le Bel.
La fin des capétiens directs : une grave crise
de succession
A la mort de Charles IV en 1328, faute d'héritier mâle
en ligne directe, trois compétiteurs se disputent la succession
:
- Philippe comte d'Evreux, roi de Navarre
: petit-fils de Philippe III et neveu de Philippe le Bel.
Il a épousé sa cousine Jeanne de Navarre (fille du roi
Louis X) : il revendique la couronne au nom des droits de sa femme qu'on
a jadis écarté du trône au nom de la Loi Salique.
Mais cette loi ayant été entérinée comme
loi successorale en France, Philippe ne peut qu'être écarté
!
- Edouard III, roi d'Angleterre : fils d'Edouard
II et d'Isabelle de France, fille de Philippe-le-Bel.
A la mort de Charles IV, il est le plus proche héritier mâle
de la couronne de France et donc celui qui a objectivement les droits
les plus valables.
Mais le patriotisme français refuse un roi anglais, bien que
:
- la noblesse anglaise soit de langue et de culture française,
- il soit descendant des normands avec Guillaume le Conquérant
et des angevins (d'Anjou) avec les Plantagenêts.
- Philippe, comte de Valois : petit-fils
de Philippe III, fils du comte Charles de Valois et neveu de Philippe
le Bel.
Prenant la suite de son père, il est le chef de file des grands
féodaux pairs de France.
(En vert
les prétendants au trône et en bleu
les derniers rois capétiens)
Les capétiens valois
La noblesse du royaume donnera le trône
au représentant de la branche cadette des Valois :
le neveu de Philippe le Bel (cousin du dernier roi) deviendra roi
sous le nom de Philippe VI de Valois.
Ainsi naîtra la branche des Capétiens
Valois qui durera jusqu'en 1589 avec la mort d'Henri III
: suivra ensuite la branche des Bourbons
avec Henri IV, qui se maintiendra jusqu'en 1791 avec la déposition
de Louis XVI.
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Cela excitera la rancoeur du roi d'Angleterre Edouard III, à l'origine
de la guerre de Cent Ans !
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