|
|
Philippe
IV le Bel, le roi organisateur (1285-1314) |
Philippe IV le Bel, fils et successeur du roi Philippe III le Hardi,
est élu roi à 17 ans en 1285.
Nous allons voir que son règne est marqué par un accroissement
de l'autorité royale, un affranchissement de l'autorité
pontificale, un développement de l'administration et une extension
du domaine sous contrôle royal.
Vers une monarchie de plus en plus administrative et centralisée
Le roi s'entoure de conseillers compétents qui jouent un rôle
décisif dans sa politique : ces légistes, déjà
apparus sous Philippe Auguste, sont formés au droit romain et tentent
de faire évoluer la monarchie féodale (dont les pouvoirs
sont limités par ceux des vassaux) vers une monarchie absolue.
Cette centralisation avait en fait été amorcée par
son grand-père, Saint Louis.
Le roi est entouré de ses héritiers : à droite,
sa fille Isabelle, qui va épouser le roi d'Angleterre Edouard
II. De chaque côté, les fameux conseillers légaux
du roi, les légistes, qui venaient au début de la petite
noblesse, puis de la bourgeoisie ou de la noblesse de robe (qui correspond
aux personnes ayant acquis leur titre de noblesse grâce à
certaines fonctions). |
 |
Parmi les légistes les plus influents, on peut citer Guillaume
de Nogaret et Enguerrand de Marigny.
Guillaume de Nogaret
|

Sceau de Guillaume de Nogaret
|
Homme de loi originaire du Languedoc, Guillaume de Nogaret est
professeur de droit romain à l'université de Montpellier
avant d'entrer au service de Philippe le Bel vers 1292 : il est
conseiller du roi en 1295 et garde du sceau en 1307 et dirige la
politique royale dès le début du XIVe.
La part la plus importante de son action politique est son engagement
pour la défense, la définition, voire l'extension
des droits du roi à l'intérieur de son royaume : c'est
pourquoi il est qualifié de "légiste" du
roi, avec une réputation d'intransigeance et d'efficacité,
qui ne lui ont guère apporté la popularité
!
|
L'administration du royaume, limitée auparavant
à la cour du roi, se subdivise en 3 sections :
- Le Grand Conseil : examen des dossiers
politiques,
- Le Parlement : chargé de
la justice,
- La Chambre des Comptes, spécialisée
dans les affaires financières :
- établit des taxes pour les exportations,
- soumet les terres de l'église à une redevance
(les décimes),
- introduit une taxe pour toute vente,
- réalise des manipulations monétaires en changeant
le poids ou le taux des métaux précieux des
pièces sans en changer la valeur.
Ces opérations étaient justifiées par l'ambitieuse
politique royale et non par une volonté de gain personnel,
mais ont toutefois rendu Philippe le Bel très impopulaire
en son temps.
Enfin, Philippe le Bel a initialisé la tenue d'assemblées
formées de représentants des 3 classes : clergé,
noblesse et bourgeoisie. Ces assemblées, ancêtres des
"états généraux", n'étaient
réunies que dans des circonstances graves et avaient en fait
un pouvoir bien réduit : le roi et ses conseillers n'attendaient
qu'une approbation des propositions présentées, et
ainsi l'appui moral des sujets importants du royaume.
|


Sceau royal
|
Sous le règne de Philippe le Bel, la France
s'écarte donc des traditions féodales en se dotant d'une
administration "moderne".
Mais ces évolutions sont à l'origine de révoltes
car :
- la centralisation monarchique mécontentait les grands seigneurs,
- les nouveaux impôts dressaient les bourgeois contre le pouvoir,
- les paysans, accablés de taxes diverses, se révoltent
: c'est ce que l'on nomme les "jacqueries" qui enflammeront
les campagnes.
Conflit avec la papauté
Depuis le début de la dynastie capétienne, les monarques
avaient développé de bonnes relations avec la papauté,
mais 2 facteurs vont initialiser le conflit :
- Incité par ses légistes, Philippe
le Bel aspire à être le maître absolu en son
royaume et à rejeter toute tentative d'intervention
extérieure,
- Le Pape Boniface VIII, à
l'inverse, cherche à imposer les principes
de la théocratie pontificale en contrôlant les monarchies
occidentales : il rêve d'un empire chrétien
unifié sous la direction d'un souverain religieux :
" il y a 2 glaives : le spirituel et le
temporel. Le glaive spirituel est dans la main du Pape ; le temporel
dans la main des rois. Mais les rois ne peuvent l'utiliser qu'au
service de l'église et selon la volonté du Pape.
Et si le glaive temporel dévie de sa route, c'est au glaive
spirituel de le juger ".
Une 1ère querelle éclate lorsque Philippe le Bel
impose en 1296 une taxe pour faire payer le clergé : le Pape,
après s'y être opposé, a été obligé
de céder.
Statue de Boniface VIII du XIVe, Bologne
|
 |

Portrait de Boniface VIII d'après une fresque murale à
Saint-Jean de Latran.
|
En 1301, le Pape dresse un réquisitoire sévère
contre la politique de Philippe le Bel après que ce dernier
ait fait arrêter un évêque : il invite tous les
évêques à "préparer la réformation
du royaume et la punition du roi de France".
Philippe le Bel, menacé d'excommunication, riposte en 1302
en réunissant l'assemblée des Trois Etats pour confirmer
sa position et réclamer la déposition du Pape par
un concile.
Les évêques français soutiennent le roi par
gallicanisme (pour ne pas dépendre du Pape plus que du roi)
: la querelle atteint alors un point de non retour.
|
L'attentat de Anagni
|
Philippe le Bel décide alors,
sur conseil de Guillaume de Nogaret, de faire
arrêter le Pape !
Ce dernier, aidé par des toscans, se rend dans la petite
ville d'Anagni le 7 septembre 1303 où le Pape passait l'été
: il est menacé et injurié par Guillaume de Nogaret
qui somme le pontife de le suivre à Lyon.
Boniface VIII se serait alors défendu en criant : "Voilà
mon cou, voilà ma tête ; je mourrai, mais je mourrai
Pape" en traitant Guillaume de Nogaret de "fils de
Cathare".
|

|
Des cavaliers romains aidés par la population
impressionnée par le courage du vieillard (Boniface est alors
âgé de 60 ans) prennent sa défense et Nogaret
quitte la ville. Très affecté par cette humiliation
et épuisé, le Pape meurt un mois après en 1303. |

|
Palais des Papes en Avignon |
Ses successeurs, Benoit XI puis Clément
V, vont cesser cette lutte contre la royauté française.
Redoutant les sentiments " anti-français " à
Rome, Clément V, ancien archevêque de Bordeaux, s'établit
à Avignon en 1309 (ville partiellement pontificale depuis 1277)
et ses successeurs y resteront jusqu'en 1376. |
|
La victoire de Philippe le Bel confirme l'indépendance
absolue des rois chrétiens à l'égard de la papauté.
Extension du domaine royal
Philippe le Bel, dans le cadre de son dessein de monarchie absolue, mène
une politique d'extension du domaine royal et d'assujettissement de la
grande féodalité :
- il prend le contrôle du comté de
Champagne suite à son mariage avec Jeanne de Navarre-Champagne,
fille unique dHenri Ier, roi de Navarre et comte de Champagne
(Jeanne était orpheline et avait hérité des domaines
de son père en souveraine).
- il achète en 1286 le comté de Chartres,
- les bourgeois de Lyon, impressionnés
par la puissance et le prestige de la royauté, se placent sous
la tutelle du roi en 1312.
La dure conquête
(partielle) de la Flandre ...
Le roi envahit la Flandre en 1297 (le comte de Flandre était
l'un des derniers grands féodaux allié au roi d'Angleterre),
mais Philippe le Bel va subir par la suite 2 échecs :
Au petit matin du 18 mai 1302, à Bruges, des insurgés
en armes pénètrent dans une garnison française
de la ville et abordent les occupants en leur demandant de répéter
après eux : «Schild of vriend ?» (Bouclier ou
ami ?) : il est impossible à qui n'est pas natif des Flandres
de prononcer correctement cette expression. C'est ainsi que les
1000 soldats de la garnison française sont démasqués
les uns après les autres et assassinés au pied de
leur lit. Cette journée a été appelée
«Mâtines de Bruges» par analogie aux «Vêpres
siciliennes» qui chassèrent 20 ans plus tôt les
français de Sicile.
- Bataille des éperons d'or :
Comme si cet avertissement ne suffisait pas, les chevaliers
français, commandés par Robert d'Artois, sont
honteusement battus par les milices communales le 11 juillet
1302 à la «bataille des éperons d'or»,
près de Courtrai. La chevalerie française est
écrasée à Courtrai par les milices communales
flamandes (il s'agit d'un tournant dans
l'histoire militaire : des fantassins l'emportent sur des
cavaliers pour la 1ère fois depuis 10 siècles
!)
Le roi obtient enfin sa revanche en 1304 par la victoire
de Mons-en-Pelève : il prend alors le contrôle
des châtellenies de langue française : Lille,
Douai et Béthune.
|

|
|
Sous le règne de Philippe le Bel, la France consolide
ainsi ses frontières.
Suppression de l'Ordre du temple
Philippe le Bel avait constamment besoin d'argent pour faire la guerre
: en plus de lever des taxes sur le clergé, il expulsera les Lombards
et les Juifs puis confisquera leur biens.
Ces opérations n'apportant pas suffisamment d'argent, il
s'attaque donc aux Templiers :
- il fait arrêter sur son ordre tous les Templiers au matin du
vendredi 13 octobre 1307 au terme d'une opération de police conduite
dans le secret absolu par Guillaume de Nogaret,
- il confisque ensuite tous leurs biens qu'il convoitait depuis longtemps,
- il fait dissoudre par le Pape l'ordre des Templiers en 1312,
- suite à un faux procès durant lequel les templiers seront
interrogés sous la torture par les commissaires royaux, il fera
brûler 50 templiers dont le Grand Maître Jacques de Molay
en 1314.
Le prétexte donné est l'hérésie et l'immoralité
: en fait, leur richesse considérable et leur pouvoir croissant
inquiètent le pouvoir, qui redoute la création d'une milice
papale.
 |
L'ordre du Temple est né en Terre Sainte en 1119 après
la 1ère Croisade, à l'initiative du chevalier champenois
Hugues de Payns qui voulait protéger les pèlerins
se rendant à Jérusalem.
|
En 1314, Philippe le Bel meurt : la paix règne
dans son royaume qui abrite entre 15 et 20 millions d'habitants,
les frontières sont bien gardées et les féodaux
sont maintenus dans l'obéissance : le roi devient enfin plus
un vrai souverain qu'un suzerain.
Avec ses 3 fils adultes en bonne santé, la survie de la
dynastie capétienne ne semble poser aucun souci : mais
l'impensable se produit ... et la longue chance successorale qui
durait depuis 996 se termine et fera entrer la France dans la "Guerre
de Cent Ans".
Gisant de Philippe le Bel
Merci à Serge Santos qui m'a fourni cette photo !
|
|
|