Les croisades vues des arabes

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Division du monde arabe : les troupes occidentales progressent

Dans le cadre de la 1ère croisade, le morcellement voire même une nette division au sein du monde arabe profitent à la progression des troupes occidentales dès leur entrée en Asie Mineure (actuelle Turquie), et rend inefficace toute tentative de résistance.

Un schisme datant d'un conflit du VIIe divise en effet les sunnites qui dépendent du califat abbasside de Bagdad des chiites qui se réclament du califat égyptien du Caire. Cette division provoque :

  • des luttes acharnées entre les troupes arabes, qui s'affaiblissent mutuellement plutôt que de faire front contre les occidentaux,
  • des alliances entre clans arabes et occidentaux pour battre d'autres clans arabes, unions qui frôlent souvent la trahison du monde musulman.

Ces divisions et cette absence de solidarité du monde arabe favorisent largement la progression des troupes occidentales fortes de 4500 chevaliers et 30000 fantassins : après la prise par les croisés de la ville de Nicée en 1097, d'Antioche en 1098 puis la chute de Jérusalem en 1099, Tripoli et Beyrouth tombent également sous le contrôle occidental.

 

Début de la riposte arabe "unifiée"

Ce n'est qu'en 1111 que le calife d'Alep alerte le sultan de Bagdad pour lui faire prendre conscience de la gravité de la situation :

  • une 1ère victoire des musulmans d'Alep à Sarmada contre les occidentaux a lieu en 1119,
  • les occidentaux échouent dans leur stratégie de conquête de Damas en 1128.

Le maître d'Alep et de Mossoul (Zinki puis son fils Noureddin) sera à partir de 1130 l'artisan de la riposte victorieuse du monde arabe à l'occupation occidentale : un leader musulman fait enfin preuve de rigueur, de persévérance et de sens de l'Etat :

  • la discorde chez les occidentaux va être initialisée suite à la mort du roi de Jérusalem Baudoin II,
  • en 1138, les occidentaux entreprennent le siège de la ville de Chayzar avec une impressionnante batterie de 18 catapultes ou mangonneaux : Zinki parvient à faire lever le siège en propageant la fausse rumeur d'une gigantesque armée musulmane qui approche !

Mangonneau : il faut 12 personnes pour permettre une cadence de 2 tirs à l'heure.

 

 


Catapulte : héritée des romains, cet engin de tir est basé sur le principe de l'arbalète. C'est l'arc qui donne au bras, au bout duquel est fixé le projectile, sa puissance de tir.

  • les troupes de Zinki reprennent le contrôle en 1144 de la ville d'Edesse, plus ancienne capitale occidentale en Orient (depuis 50 ans !).

Le monde arabe est enfin saisi d'enthousiasme pour le jihad (guerre sainte) avec pour objectif commun de libérer les territoires occupés et surtout la symbolique Jérusalem : Zinki puis son fils tirent de leurs victoires un immense prestige et apparaissent progressivement comme les sauveurs de la cause arabe.

L'Europe organise une 2ème croisade en 1147 pour reprendre Edesse, mais leur objectif se porte en fait vers Damas (dont les richesses attirent les occidentaux ... alors qu'Edesse était leur objectif initial !). Le siège de la ville est une catastrophe malgré l'aide précieuse des chevaliers templiers à cause du manque de coopération entre les français (avec Louis VII) et les allemands (avec leur empereur Conrad III), qui lèvent le siège au bout ... de 4 jours, mettant fin à cette 2ème croisade.

En savoir plus sur la 2ème croisade

Les reconquêtes de Saladin

En 1169, l'Egypte tombe sous le contrôle d'un général Kurde à la solde de Noureddin : il lui aura fallu 3 campagnes pour y parvenir, et il est nommé vizir.

Après sa mort, son neveu Saladin le remplace dans ses fonctions et il se positionne rapidement comme le maître incontesté de l'Egypte, en proclamant contre son gré la déchéance des Fatimides chiites.

Après une cohabitation tendue entre Saladin et son maître Noureddin, ce dernier meurt en 1174 : il prend alors progressivement le contrôle de la Syrie de Noureddin et continue l'oeuvre d'unification du monde arabe : il devient ainsi en 1183 le maître de l'Egypte et de Syrie.

La fameuse bataille de Hattin (ou Hittin)

Le 3 juillet 1187, 12000 musulmans (ou 60000, selon les sources) affrontent à Hattin (ou Hittin) 15000 soldats occidentaux dont 1200 chevaliers templiers suite à un ordre irresponsable du Grand Maître Gérard de Ridefort et du roi de Jérusalem Guy de Lusignan : après une journée de marche sur des terres arides en se faisant harceler par les musulmans, l'armée de Saladin empêche les occidentaux d'accéder aux rives du lac de Tibériade, seul point d'eau de la région, et bloque habilement leur retraite. Les troupes occidentales, assoiffées et épuisées, tentent vaillamment de forcer le barrage musulman sans y parvenir.

Tous les chevaliers templiers et hospitaliers sont décapités (sauf leur Grand Maître) tandis que les autres prisonniers sont épargnés. Saladin en profite d'ailleurs pour tuer de sa main son plus vil ennemi : Renaud de Chatillon, aussi néfaste pour les musulmans que pour les occidentaux.

Cette défaite occidentale permet à Saladin de reconquérir rapidement de nouvelles villes : Saint Jean d'Acre, Naplouse, Jaffa, Nazareth et Gaza. Jérusalem ouvre ses portes le 2 octobre 1187 et contrairement aux occidentaux qui ont massacré sa population en 1099, les musulmans ne se prêtent à aucune exaction (ils laissent même s'échapper les fortunes des riches chrétiens !).

Voir un zoom de la carte ou un zoom des 4 Etats Latins d'Orient

Les occidentaux ne contrôlent plus que le port de Tyr, Tripoli et Antioche, ainsi que des forteresses isolées : les légendaires kraks.
Mais ces places sont bien protégées car Saladin a toujours permis aux occidentaux situés dans les villes conquises de s'y retrancher. La répugnance de Saladin à verser le sang inutilement a d'ailleurs autant de valeur aux yeux de l'Histoire que ses prouesses militaires !


La reprise en main par les Occidentaux

Suite aux défaites et à la reprise de la Ville Sainte, les troupes franques sont alors complétées par des renforts considérables venus d'Occident : commence en 1189 la 3ème croisade : les 3 grands souverains d'Occident, les rois Philippe Auguste, Richard Coeur de Lion et l'empereur d'Allemagne Frédéric Barberousse rassemblent leurs contingents et font le "votum crusis" (voeu de croisade).

Bien que la mésentente entre les souverains français et anglais soit préjudiciable à l'efficacité de l'expédition, les occidentaux assiègent et prennent la ville de Saint-Jean-d'Arc en 1191 au terme d'un long siège ... de 2 ans ! Les 2700 soldats musulmans et les 300 femmes et enfants sont massacrés. Après de nombreux affrontements sans résultat décisif, Richard Coeur de Lion négocie en 1192 avec Saladin le traité de paix de Jaffa :

  • reconnaissance des conquêtes des croisés : une mince bande côtière entre Tyr (proche de Beaufort sur la carte) et Jaffa,
  • liberté de pèlerinage sur les Lieux Saints pour les chrétiens : la Ville Sainte de Jérusalem reste donc toujours sous contrôle arabe.

Les croisades suivantes

La mort de Saladin en 1193 plonge le monde arabe dans la guerre civile : l'empire est dépecé entre 3 de ses fils (qui contrôlent soit l'Egypte, soit Damas, soit Alep). Mais c'est un des frères de Saladin (al-Adel) qui parviendra après 9 années de combats, d'alliances et de trahisons à réunifier le monde arabe, qui connaît alors une période de paix et de prospérité : le nouveau sultan instaure avec les occidentaux une politique de coexistence pacifique, de tolérance et même d'échanges commerciaux (des marchands italiens sont encouragés à s'installer en Egypte).

  • Les 4 et 5èmes croisades :

Par leur propre intérêt, les occidentaux vivant en Syrie ou en Egypte n'ont pas l'intention de reprendre les hostilités, mais ce n'est pas le cas de ceux vivant en Europe. Si la 4ème croisade est détournée de sa cible initiale par les vénitiens (4ème croisade), une nouvelle invasion occidentale visant l'Egypte est tentée en 1218 (la 5ème croisade) : des dizaines de milliers d'occidentaux assiègent puis prennent la ville égyptienne de Damiette. L'annonce de cette agression affecte le sultan à tel point qu'il succombe à une crise cardiaque ! 3 années plus tard, l'armée occidentale sur le chemin du Caire est surprise par une crue du Nil et doit capituler : les musulmans leur imposent de libérer Damiette en échange de la possibilité de reprendre la mer sans être inquiété.

 

  • La 6ème croisade :

La 6ème croisade : au titre d'un accord avec le nouveau sultan al-Kamel, Jérusalem et une fine bande de terre (Nazareth et Bethléem) sont concédées en 1229 à l'empereur d'Allemagne Frédéric II Hohenstaufen qui devient roi de Jérusalem. Les musulmans conservent l'emplacement du temple avec les mosquées d'Omar et Al-Aqsâ. Cet accord diplomatique sans une goutte de sang entre l'empereur et le sultan étonne tout le monde :

  • il sauve provisoirement la face des chrétiens,
  • mais les musulmans ne sont pas satisfaits d'avoir perdu Jérusalem et vont ruiner ce traité dès 1244. Les termes du traité scandalisent l'opinion arabe : la trahison de la politique exagérément conciliatrice du sultan al-Kamel est dénoncée dans de nombreuses mosquées.

Le neveu du sultan an-Nasser s'empare à nouveau de Jérusalem à l'occasion d'un raid surprise en 1239 : c'est une explosion de joie dans le monde arabe. Mais il préfère se retirer car ne se juge pas capable d'en assurer la défense.

  • La 7ème croisade :

Le roi de France Louis IX (futur Saint-Louis) organise et mène en 1248 la 7ème croisade : ses troupes débarquent à Damiette en 1249 et la ville est rapidement abandonnée aux conquérants. La ville de Mansourah est également prise en 1250 par les croisés avant d'être libérée par les cavaliers mamelouks turcs. La position française devient indéfendable et Louis IX est contraint à la négociation (il avait refusé après la prise de Damiette la proposition du sultan d'échanger la ville occupée contre Jérusalem) : il capitule et est fait prisonnier : il sera libéré après le retrait complet des troupes françaises d'Egypte ... et le versement de 1M de dinars.

Les mamelouks prennent le pouvoir

Mais la situation se complique ! Le sultan est renversé par les mamelouks turcs qui mettent au point un plan unique dans l'histoire arabe pour se conférer de la légitimité : ils désignent comme sultane et reine la femme du sultan qu'ils viennent d'assassiner puis lui font épouser un chef mamelouk qui devient ainsi sultan !

La politique mamelouk marquera un net durcissement de l'attitude du monde arabe face aux occidentaux.

  • La 8ème et dernière croisade :

Le monde musulman subi ensuite une autre menace : les mongols détruisent Bagdad et massacrent sa population en 1257, avant de s'en prendre en Syrie à Alep, Damas, Naplouse et Gaza en 1260. Ce sont les mamelouks d'Egypte qui chasseront ces derniers de Syrie la même année : ils réunissent ainsi sous leur autorité l'ancien territoire contrôlé par Saladin. En 1266, le sultan mamelouk Baibars prend aux occidentaux la ville d'Antioche et réduisent en esclavage ses habitants (ce qui n'était pas l'habitude des sultans précédents).

La réaction des occidentaux ne se fait pas attendre : le roi de France Louis IX organise la 8ème croisade et débarque avec 6000 hommes près de Tunis. Mais il meurt peu après victime d'une épidémie de peste et de dysenterie ce qui incite le reste de son armée, éprouvée également par la maladie, à rentrer en France.

  • La progression des mamelouks :

Le fameux Crac des Chevaliers tombe à son tour sous les attaques mamelouks en 1271, puis Tripoli en 1289 : les possessions occidentales en Orient ne représentent alors que quelques cités côtières entourées par le puissant émir mamelouk.

La ville d'Acre est épargnée grâce à une trêve : elle devient un comptoir commercial bénéfique tant aux vénitiens qu'aux mamelouks, véritable liaison entre les 2 mondes. Mais les chevaliers venus d'Occident vont mettre à mal cette quiétude en tuant des commerçants musulmans : l'armée musulmane, qui jouit d'une nette supériorité numérique envahit alors toute la ville en 1291. Les dernières possessions occidentales (Beyrouth et Tyr) sont abandonnées définitivement par leurs occupants mettant fin au rêve occidentale à 2 siècles de présence franque en Orient.

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