Saint-Guilhem-le-Désert et l’Abbaye de Gellone

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Le village de Saint-Guilhem-le-Désert dans l'Hérault abrite à la fois des ruelles médiévales, l'abbaye de Gellone avec son église romane et, perché sur un éperon rocheux, les ruines d'un château féodal.


Vue d'ensemble du village de Saint-Guilhem-le-Désert, prise depuis le château de Verdun (Photo JFM 2010)

Abbaye de Gellone

Le fondateur : un prince guerrier qui deviendra moine

Guilhem, également nommé Guillaume de Gellone (ou d'Aquitaine) est né entre 750 et 755 : il est le petit-fils de Charles Martel, et donc cousin de Charlemagne.

Il se fait remarquer par son intelligence et son habilité dans le maniement des armes : il devient comte de Toulouse en 789, et duc d’Aquitaine en 790 (ou 793 ?). Il consacrera les treize années suivantes à conforter les frontières du sud du royaume, que Charles Martel a ouvertes suite à sa victoire contre les arabes à Poitiers en 732. Le prince carolingien s’imposera comme l’un des plus valeureux guerriers de son temps. Sa campagne militaire contre les Sarrasins aboutira en 803 à la prise de Barcelone et à la constitution de la «Marche d’Espagne».

Tableau Guillaume d'Aquitaine par Simon Vouet (XVIIe)

Suite au décès de son épouse, ce chef de guerre âgé de 48 ans choisira de déposer les armes et de terminer sa vie dans la prière en respectant l’idéal monastique.

Après avoir franchi les gorges de l’Hérault, il décide de financer en 804 l’établissement d’une abbaye bénédictine au coeur de la vallée isolée du Val de Gellone. Guidé dans son cheminement par son ami d'enfance Benoît d’Aniane (à ne pas confondre avec Saint Benoit de Nursie, né en 490 en Italie et qui deviendra le patron de la chrétienté occidentale), il prononce ses voeux en 806 avant de se retirer dans son abbaye pour y vivre en simple moine.

Lors de la fondation de l'abbaye, Guilhem accepte comme seul présent de la part de son cousin Charlemagne une relique de la Sainte Croix : un fragment de bois mesurant "cinq pouces de long", qu’il avait lui-même obtenu du prêtre de Zacharie en l'an 800. Le reliquaire en argent qui l'abrite comporte une sentence gravée en latin et en français « frappant d'excommunion ipso facto quiconque emporterait la moindre parcelle de la relique, ou conseillerait seulement de le faire ».

Il meurt en 812 ou 815 et est enterré dans l'église abbatiale.


Le cloître de l'abbaye de Gellone, avec ses fenêtres géminées - Photo JFM 2010

Le village, lieu de pèlerinage

La relique de la croix du Christ ainsi que le tombeau de Guilhem, qui sera canonisé en 1066 sous le nom de Saint Guilhem, feront de cette combe isolée un haut lieu spirituel en attirant de nombreux pèlerins.

Le village de Saint-Guilhem-le-Désert devient alors une étape importante sur la route des pèlerins en partance pour Saint Jacques de Compostelle. Dès l’an mille, les pèlerins se rejoignaient en Arles pour poursuivre leur voyage : après les étapes de Saint-Gilles du Gard et de Montpellier, les pèlerins traversaient la Vallée de l’Hérault et atteignaient, en cheminant entre garrigue et oliviers, les abbayes d’Aniane et de Gellone, avant de rejoindre Lodève à 34km. Le GR 653 reprend globalement le tracé original.

Cette renommée et ses nombreux pèlerins favoriseront le développement du village de Saint-Guilhem-le-Désert autour de l’Abbaye de Gellone, qui comptera jusqu'à une centaine de moines aux XII et XIIIe, en longeant le cours du Verdus (voir la modélisation en 3D ci-dessous).

Pourquoi « le désert » ?

En qualifiant de « désert » ce territoire, Guilhem faisait allusion à l’absence de l’homme et non de l’absence de végétation, qui était au contraire abondante à l'époque. Les premiers habitants domestiquent les flancs du cirque de l’Infernet et ouvrent des voies pour rompre l'isolement. L’élevage, l’agriculture, l’utilisation du bois feront régresser la forêt et naître la garrigue, si caractéristique de la région méditerranéenne.

"Cette vallée de Gellone est un lieu si retiré que quiconque aime la solitude doit nécessairement s'y trouver. On s'y voit de toute part environné de très hautes montagnes et ce n'est peut-être que pour se livrer à la prière et à la méditation que l'on va chercher une pareille retraite" (Ardon, moine, disciple et biographe de Saint Benoît d'Aniane).


La Région3D

Toutes les maisons du village ont conservé une forte empreinte médiévale, constituant un ensemble d’une magnifique harmonie : on découvre en flânant le long de ses vieilles ruelles sinueuses des bâtiments authentiques, pleins de charme et magnifiquement fleuris.

Le village et son abbaye sont inscrits depuis 1998 au Patrimoine Mondial par l’UNESCO au titre du chemin de Saint-Jacques de Compostelle. Il comporte aujourd’hui environ 250 habitants (appelés "sautarocs") contre environ 1000 au XIXe. Mais il s’agit d’un des sites les plus visités du département de l’Hérault avec ses 600 000 à 800 000 visiteurs par an !

De l’église abbatiale à l'église aujourd’hui

A partir du XIe, sur l'emplacement choisi initialement par Guilhem, sera édifié l'un des 1ers témoignages de l’art roman languedocien, qui se caractérise par un équilibre de ses proportions, la rigueur et la sobriété de son style.

D'autres édifices romans seront élevés par les évêques de Maguelone ou les abbés de Gellone ou d'Aniane.

La nef

La partie principale de l'église que l'on voit aujourd'hui ainsi que le cloître inférieur datent du XIe. Son porche, avec son portail à voussures, date du XIIe et le clocher du XVe.

 

Vue du portail de l'église depuis la place de la Liberté
Photo JFM 2010

La nef mesure 18m de long pour 6m de large : elle est composée de trois travées, avec des arcs doubleaux. La nef est voûtée en plein-cintre, et se termine par l'abside qui est voûtée en cul-de-four.


Autel de l'église de Saint-Guilhem éclairé par les 3 baies

Nef de l'église romane (photos JFM 2010)

La Crypte

Sous le choeur, se trouve la crypte qui abritait primitivement le tombeau de Saint Guilhem. Cette dernière a été sans doute comblée à l'époque des guerres de religion, et n'a été dégagée qu'en 1962. La partie droite devait accueillir les restes du Saint jusqu'en 1138, avant d'être transféré dans un sarcophage qui était situé dans l'abside de l'actuel église (le sarcophage est visible au musée lapidaire). La partie gauche abritait probablement la relique de la Sainte Croix donnée par Charlemagne.

 

Le Chevet

Le chevet (partie extérieure de l'autel) est percé de 3 baies qui éclairent le choeur. Il est surmonté d'une frise en dents d'engrenages.

 

Magnifique chevet de l'église - Photo 2010 JFM

Le cloître

Les colonnes et chapiteaux du cloître supérieur datant du XIIe ont été démantelés : le cloître actuel ne possède plus que deux galeries (galerie nord, une partie de la galerie ouest). Il faut aller à Manhattan pour voir le reste !

 

Une partie du cloître est visible à … New-York !

George Grey Barnard (1863-1938), fervent collectionneur américain d'art médiéval, achetait chez des antiquaires ou des particuliers des sculptures médiévales et des fragments architecturaux provenant de monastères. Ces éléments avaient été initialement démantelés, volés ou vendus comme biens nationaux après la Révolution.

Après une 1ère exposition dans un modeste bâtiment, John D. Rockefeller lui permet de magnifier sa collection à partir de 1938 dans un bâtiment construit sur-mesure : The Cloisters, situé au nord de l'île de Manhattan à New York (c'est aujourd'hui une annexe du Metropolitan Museum of Art).

Ce magnifique musée présente notamment les portions de cinq cloîtres médiévaux français, dont Saint-Michel-de-Cuxa et Saint-Guilhem-le-Désert.

Photos JFM 2011
Les fragments du cloître de Saint-Guilhem, auxquels sont ajoutés des éléments reconstitués, sont intégrés dans le musée qui leur offre un cadre serein et harmonieux ... de l'autre côté de l'Atlantique dans une ville qui ne ressemble en rien à un désert !

Les conflits de l'histoire n'épargneront pas le monastère : la révolution mettra fin à la vie monastique déjà affaiblie.

Aujourd'hui, la Communauté du Carmel Saint Joseph rend à l'abbaye sa destination religieuse.

Une sculpture de Saint-Guilhem
en vente à la foire de Maastricht


Une sculpture provenant de l'abbaye de Gellone a été mise en vente en mars 2011 lors de la foire d'art et d'antiquités de Maastricht (aux Pays-Bas) au prix de 347 000 €.

Elle avait probablement été dérobée pendant les guerres de religion ou sous la Révolution quand l'édifice a été vendue comme bien national : elle ainsi été revendu, après avoir plusieurs fois changé de propriétaire.

 

 

Le château de Verdun

Entre le IXe et le XIIe siècle, le système défensif de la vallée de l'Hérault s’organise avec la construction de châteaux forts perchés : le château de Verdun à Saint-Guilhem-le-Désert, telle une sentinelle, est l'un des témoins de cette architecture militaire médiévale.

Le site constitue en effet un excellent moyen d’observation sur la vallée et contrôle l’entrée du cirque de l’Infernet.

Il semble posé en équilibre sur une arête rocheuse, cerné de falaises vertigineuses, ses lambeaux de murailles sont depuis envahis par la garrigue. Probablement d’origine wisigothique, il est fait mention dans les archives d’un château dès le IXe siècle, mais les vestiges qui se dressent au-dessus du village sont des XIe et XIIe siècles.

Avant d'atteindre le château, se trouvent les restes d'une tour rectangulaire appelée le Cabinet du Géant : cette tour servait de point de surveillance du Château.

Origine du nom :

Le château se nomme « Verdun », car la vallée qu’il domine est parcourue par le ruisseau de Verdus (un des affluents de l’Hérault). Il est parfois nommé «  le château du Géant » car selon la légende, un géant demeurait au château et terrorisait la vallée de Gellone avant que le chevalier Guillaume d'Orange ne l’en délivre.

Attention : suite à des accidents, la visite du château est interdite par arrêté municipal car il menace de s'écrouler.


Photo JFM 2009


Photo JFM 2009

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