Localisée au sud
de Montpellier dans l'Hérault, proche de la station balnéaire
de Palavas-les-Flots, la solitaire cathédrale
de Maguelone se présente en véritable vaisseau
mutilé, échouée au milieu des pins parasols,
des palmiers et des cèdres, qui témoigne d'une histoire
riche et mouvementée.

Photo JFM : vue sur les vigne et la mer
Le site est aujourd'hui accessible par une mince bande
de terre, et semble isolé entre la Mer Méditerranée
et les étangs.

Photo JFM : la cathédrale vue depuis le rivage
Le démantèlement de l'appareil défensif
de l'ancienne église fortifiée accroît encore
son aspect austère et massif : on remarque de toute part
des traces d'arrachement de murs, on devine les anciens mâchicoulis
qui prenaient appui sur les puissants contreforts mutilés
mais encore visibles.
Les origines wisigothiques
Les raisons de l'implantation de l'évêché de
Maguelone au VIe sur cet îlot à l'écart de la
Voie Domitienne et éloigné
de toute agglomération (la ville de Montpellier n'existe
pas encore) restent inexpliquées.
Un port est cité dès le VIIe et les wisigoths l'assiègent
durant leur conquête de l'ancienne Narbonnaise Romaine en
673 : des sarcophages et des restes d'une nécropole wisigothique
confirment leur implantation sur les lieux.
Les musulmans occupent l'île dès le VIIIe, avant que
Charles Martel la fasse dévaster : le site reste alors quasiment
abandonné durant 3 siècles.
Le développement initié
par l'évêque Arnaud au XIe
Sur l'emplacement de l'église originelle détruite,
l'évêque Arnaud édifie à partir
de 1030 une cathédrale, construit un chemin d'accès
composé d'un pont de 2km de long et fait réaliser
des fortifications pour protéger le site. C'est donc
à ce prélat que l'on doit l'existence de cette
cité épiscopale fortifiée et isolée.
Mais de ces constructions, seule subsiste la chapelle Saint-Augustin
qui est aujourd'hui intégrée dans le flan sud
de l'actuelle cathédrale.
Photo JFM : chapelle Saint-Augustin,
dans laquelle sera enterré lévêque
Arnaud en 1060 à son retour de Terre Sainte.
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Une épitaphe destinée à l'évêque
Arnaud indique : "ci-gît Arnaud, père et bâtisseur
de cette église durant 30 années de son épiscopat.
Y mourut à Villeneuve au retour d'un pèlerinage à
Jérusalem".
En 1085, le comte Pierre de Melgueil fait don de l'évêché
au Pape Grégoire VII et à ses successeurs : c'est
ainsi que le Pape Urbain II viendra visiter l'île et déclarera
cette cathédrale "2ème après celle
de Rome". Il lui accordera le port des armes pontificales
: les clés de Saint Pierre.
L'apogée à partir du XIIe

Le site deviendra ponctuellement terre d'asile pour les Papes
fuyant les luttes à Rome : l'un d'eux y recevra l'abbé
de Cluny et Suger,
abbé de Saint Denis.
Ces séjours d'illustres personnalités de l'Eglise
vont contribuer, avec les revenus importants générés
par les salines et les droits de pêche sur l'étang,
à la prospérité du site.
Une nouvelle cathédrale y sera construite au XIIe,
avec un cloître de 2 étages, un logis pour l'évêque
et des bâtiments pour assurer une plus large hospitalité
: les travaux seront supervisés successivement par
3 évêques et dureront de 1104 à 1190.
Photo JFM : entrée de
la cathédrale :
on devine la tour de l'Evêque à gauche.
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Deux tours encadrant la façade occidentale seront ajoutées
au XIIIe : la tour Saint Jean actuellement détruite et la
Tour de l'Evêque, dont il ne reste que des lambeaux de façades
ruinées.

Photo JFM : lambeau de la façade
de la tour de l'Evêque
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Photo JFM : on devine au sommet les
anciens mâchicoulis qui prenaient appui sur les puissants
contreforts de la nef.
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L'édifice sera régulièrement agrandi, et l'évêché
atteint son plein essor au XIII et XIVe : environ 60 chanoines composent
la communauté, qui est réputée pour son hospitalité
et sa générosité.

Ces photos mettent en relief l'image insolite d'une église
fortifiée mutilée : on remarque les traces d'arrachement
de murs, suite au démantèlement de l'appareil défensif.
Le déclin à partir du
XIVe
La guerre de Cents Ans n'affectera pas l'évêché,
mais ce dernier va être victime de son isolement provoqué
par la proximité de la ville de Montpellier : son dynamisme,
ses activités marchandes et son université généreront
une attractivité que la modeste île ne peut combattre.
L'évêque se fixe à Montpellier dès le
XVe (en laissant l'administration à Maguelone), et le siège
épiscopal y sera globalement transféré dès
1536. Les chanoines vendront progressivement les bâtiments,
qui seront temporairement occupés par l'armée royale.
Il est toutefois attesté que malgré l'hôpital
ruiné et le délabrement global, l'hospitalité
recommandée par les statuts initiaux est toujours pratiquée
!
Les fortifications seront démantelées dès
le XVIIe à la demande de Richelieu "afin que les
factieux ne puissent se prévaloir de cette place pour troubler
l'ordre public". Les pierres provenant des démolitions
permettront la construction des berges du canal du Rhône à
Sète.
Maguelone de nos jours
Après avoir été classé monument historique
au XIXe, Frédéric Fabrège acquiert le domaine
de Maguelone et initialise sa restauration. Il entreprend des fouilles
qui éclairent son riche passé, en redécouvrant
les fondations des anciens bâtiments. Il plante de nombreuses
essences méditerranéennes, l'île étant
alors totalement dénudée d'arbres. Son héritière
donnera l'île au diocèse de Montpellier en 1949.
Un Centre d'Aide par le Travail y est aujourd'hui installé,
géré par les Compagnons de Maguelone : sa vocation
d'hospitalité est ainsi perpétuée, en favorisant
la réinsertion de personnes adultes handicapées.
Visite de la cathédrale
Le tympan (en haut) figure le Christ en majesté assis
sur un trône et entouré d'un âne, d'un
aigle, d'un lion et d'un boeuf.
On remarque de part et d'autre de la porte deux bas-reliefs
en marbre blanc représentant les saints patrons de
la cathédrale : Saint Pierre à droite et Saint
Paul à gauche.
Photo JFM : portail
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Sa 1ère partie est constituée d'une voûte
basse en plein-cintre, qui est surmontée par la tribune
des chanoines (accessible par un escalier construit dans l'épaisseur
du mur).
Au delà des 2 premières travées, s'élève
une haute voûte sobre caractéristique des constructions
romanes, de 10m de large pour près de 20m de hauteur.
On aperçoit en haut de chaque côté 2
ouvertures : il s'agit de chapelles minuscules, construites
dans l'épaisseur des murs.
Photo JFM : la nef vue de l'autel
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Ensemble de bas-reliefs et d'épitaphes fixés
retrouvés par Fabrice Fabrège lorsqu'il rénovait
le dallage de la cathédrale : ils proviennent du cloître,
du cimetière ou ont été apportés
comme éléments décoratifs, notamment pour
les pièces de l'époque antique. Ils sont fixés
sur le mur de la 2ème travée. |
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Son sol est tapissé de tombes, pour la plupart anonymes.
Quatre gisants d'évêques en marbre blanc sont remarquables.
Il est flanqué de chaque côté de deux chapelles,
composées d'une grande voûte sur croisée d'ogives
:
- au nord, la chapelle du Saint Sépulcre
: son mausolée de type gothique date du XIVe, et a été
construit pour le cardinal de Canillac, ancien prévôt
de Maguelone.
- au sud, la chapelle Sainte Marie
: elle communiquait à l'origine avec le cimetière
attenant (via la "porte des morts"). Le sauveteur
de la cathédrale, Frédéric Fabrège,
repose au pied de l'autel roman. Des sarcophage y sont aujourd'hui
entreposés.

Photo JFM : chapelle du Saint Sépulcre
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Photo JFM : chapelle Sainte Marie
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Elle est caractéristique du style roman primitif.
Elle est éclairée par 3 fenêtres avec des colonnettes,
et le tour de l'abside est décoré par une couronne
de petits arcs surmontée par un cordon de dents d'engrenage
(similaire aux "bandes lombardes").

Vue
satellite du site : photo IGN, visible sur le site Geoportail
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