Baptême de Clovis (496 ou 498)

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Contexte du baptême

L'église avait besoin d'une "épée" pour combattre l'hérésie arienne : Saint Rémi a donc tout intérêt à convertir par le baptême le roi Clovis afin que les francs deviennent les protecteurs de l'église. C'est dans ce contexte que Saint Rémi incite Clovis à demander en mariage Clothilde, une princesse catholique et nièce du roi burgonde Gondebaud.

Le roi Gondebaud accepte cette union par intérêt politique, en espérant pouvoir profiter de la bienveillance de Clovis : le mariage est célébré en 493 à Soissons et à partir de ce moment, Clothilde pousse son mari à se convertir à sa religion en tentant de vaincre ses réticences.


Photo BNF

Clovis reste au début méfiant vis à vis de la religion catholique :

  • il doute de l'existence du Dieu de Clothilde suite au décès de leur 1er enfant qui meurt dans ses habits de baptême,
  • il est conscient que cet acte peut lui faire perdre le caractère sacré que lui reconnaissaient les francs en anéantissant le prestige de son origine réputée divine : il court le risque de se voir abandonné par une partie de son peuple.

Evolution de l'avis de Clovis

Clovis va changer d’opinion à l’occasion de la bataille de Tolbiac (près de Cologne). Vers 496, tandis que Clovis combat les Alamans pour étendre son royaume sur l’actuelle Alsace et Allemagne, l’armée franque est sur le point d’être dominée malgré l’appel à tous les dieux païens de la guerre : Clovis invoque alors le Christ de Clothilde et s’engage à croire en lui et à se faire baptiser s’il obtient la victoire. Le roi des Alamans est alors tué d’une flèche, signant la débandade puis le retrait des troupes ennemies, poussant Clovis vers la victoire (la mort de leur roi était le symbole pour les Alamans de l'abandon de leurs Dieux).

Cette fresque de Joseph Blanc, exposée au Panthéon, célèbre cet événement

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Il faut toutefois noter que ces faits n'ont aucun fondement réellement historique :

  • ce n'est qu'en 1539, soit un bon millénaire après l'événement, qu'un écrivain a proposé de placer à Tolbiac la bataille de Clovis contre les Alamans, et ce sans aucun fondement : il y a eu en fait plusieurs batailles contre les Alamans en divers lieux dans la région rhénane.
  • la phrase de Clovis (" Dieu de Clothilde, si tu m'entends ... ") est une anecdote édifiante dont ne font état ni Avit, ni Nizier, deux saints prosélytes, qui n'auraient pas hésité à citer cette phrase. Le marchandage prêté à Clovis (" ma conversion contre une victoire ") n'est de toute façon pas très catholique...

Baptême de Clovis

Après un temps de réflexion et suite à l'incitation de sa femme, Clovis est baptisé à Reims par Saint Rémi le 25 Décembre 496 ou 498.

Pourquoi cette incertitude concernant la date du baptême ?

Elle est due au manque de données fournies par Grégoire de Tours, qui n’est pas contemporain de cette époque : ce dernier constitue, grâce à son ouvrage "L'Histoire des Francs", la principale source d’informations concernant cette époque. Les travaux récents des historiens semblent donner pour improbable l'année 496 mais confirment le 25 décembre qui est symboliquement le jour de la naissance du Christ. Puisqu'on avait commémoré le 1400ème anniversaire du baptême de Clovis en 1896, on a conservé 1996 pour le 1500ème.

De plus, la datation en années de l'ère chrétienne inventée par un moine au VIème siècle n'apparaît en Gaule qu'au VIIIe : cela complique largement la datation des événements.

Au moment où il allait être baptisé Saint Rémi lui dit : "Baisse la tête avec humilité Sicambre, retire tes colliers, adore ce que tu as brûlé, brûle ce que tu as adoré !".
Les colliers étaient des "porte-bonheur" païens et Sicambre le nom d'une tribu à l'origine des Francs saliens : l'évêque signifiait de la sorte que Clovis devait renoncer aux coutumes des païens.

Le roi, après avoir confessé le Tout-Puissant, est baptisé au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit et oint du saint-chrème au moyen du signe de la croix du Christ.

Plus de 3000 hommes de son armée reçoivent également le baptême le même jour.

La légende de la Sainte Ampoule

La légende de la Sainte Ampoule est évoquée dans la vie de Saint Rémi (écrit par l'archevêque de Reims Hincmar en 876) :
"Au moment du baptême de Clovis, le diacre apportant le saint chrême, pris dans l'embouteillage des fidèles, ne put arriver à temps. Mais une colombe descend du ciel, tenant dans son bec une ampoule remplie d'huile. C'est avec cette huile miraculeuse que Saint Rémi donna au roi des francs l'onction."

Il a d'ailleurs été découvert dans le tombeau de Saint Rémi une ampoule de verre remplie d'un baume parfumé comme on en plaçait dans les tombes gallo-romaines. Cette relique fut intégrée dans un reliquaire où elle formait le corps d'une colombe. Elle fut hélas détruite en 1793 et quelques fragments ont été ensuite rassemblés dans un nouveau reliquaire réalisé pour Charles X en 1820.

 

La tradition du sacre à Reims est ainsi initialisée pour les rois de France qui reçoivent leur pouvoir de Dieu : Charles X sera le dernier roi à être ainsi consacré en 1825, soit plus de 1300 ans après le bâptème de Clovis !

Les traces du baptistère contemporain au baptême de Clovis ont été retrouvées dans la cathédrale de Reims, qui a été construite au dessus de l'édifice initial.

 

Conséquences de la conversion de Clovis au catholicisme :

Ce baptême est loin de se limiter à sa seule dimension religieuse par ses nombreuses conséquences au niveau politique :

  • Création de la 1ère entité politique cohérente sur le sol de France : l'empereur d'Orient Anastase prend d'ailleurs parti pour le catholique Clovis : il recevra plus tard les insignes consulaires, signe du plus grand souverain d'Occident.
  • Ouverture d'une fracture décisive entre les francs et les goths ariens : le roi wisigoth Alaric ne peut supporter cette reconnaissance officielle de Clovis.
  • Reconnaissance aux yeux des gallo-romains de la réputation de Clovis, notamment pour la classe sénatoriale : les rois ariens sont désormais mis en défaut vis à vis de la majorité de leur sujets.
  • Modification de la nature du pouvoir royal : la monarchie mérovingienne était élective au sein de la famille du roi et l'assemblée de guerriers pouvait déposer le roi pour désigner un remplaçant. Le baptême de Clovis légalisait donc son droit de régner au nom de Dieu et écartait du pouvoir ses parents à l'exception de sa descendance directe.

S'il ne faut pas négliger les convictions religieuses de Clovis, il est indéniable que les conséquences politiques de cet acte ont été calculées : son baptême jouera un rôle déterminant dans l'hégémonie que Clovis finira par imposer à toute la Gaule en le positionnant en protecteur des églises du royaume et en défenseur de la foi catholique.

Cet acte fera de la France la fille aînée de l'église, et scellera pour 13 siècles l'alliance du trône (le pouvoir) et de l'autel (la religion).

Statue colonne du portail de l'abbaye de Moutiers-Saint-Jean en Côte d'Or
Cette statue, ainsi que celle de Clotaire, a été achetée en 1920 par George Grey Barnard (1863-1938), fervent collectionneur américain d'art médiéval. Ce dernier achetait chez des antiquaires ou des particuliers des fragments architecturaux provenant d'églises ou de monastères. Ces éléments avaient été initialement démantelés, volés ou vendus comme biens nationaux après la Révolution. John D. Rockefeller lui permet de magnifier sa collection dans un bâtiment construit sur-mesure : The Cloisters, situé au nord de l'île de Manhattan à New York.

Lors de son achat, cette statue était intégrée dans un des murs de la grange qui avait remplacé l'abbatiale après la Révolution. Ce portail est aujourd'hui magnifié au Cloisters Museum à New York pour présenter l'art gothique. Clovis et Clotaire y étaient représentés car ils sont supposés être les illustres parrains de l'abbaye. Ces statues montrent des traces de réparation car elles avaient été endommagées au XVIIe durant les guerres de religion.

Photo JFM 2011
Statue colonne de Clovis, provenant du portail de l'abbaye de Moutiers-Saint-Jean en Côte d'Or

Saint Rémi

Il est nommé évêque de Reims, dont il était probablement originaire, en 459 : il est issu comme la majorité des évêques de la noblesse sénatoriale. Très cultivé, il était un grand orateur, fin politique et excellent administrateur.
Après le mariage de Clovis avec Clotilde, cette dernière lui fait rencontrer son époux afin de l’inciter à se convertir et le conseiller : il exercera sur le roi des francs une influence indéniable et bénéfique.
Son tombeau se trouve toujours dans la basilique Saint-Rémi, à Reims.

Clothilde

Fille d'un roi burgonde, elle est catholique (alors que sa famille est arienne). Les proches de cette dernière auraient été décimés par Gondebaud lui-même pour éviter le partage du royaume burgonde : (ces événements diffèrent fortement selon les historiens qui les relatent).

  • son père, frère du Roi, aurait été assassiné,
  • sa mère aurait été noyée dans le Rhône une pierre attachée au cou (sa tombe datée de 506 ayant été retrouvée, cette thèse semble inexacte),
  • ses deux frères auraient été décapités puis jetés dans un puits.

Mariée en 493 à Clovis, elle va s'efforcer de le convertir.
Elle aura eu une influence très bénéfique sur son époux et, après la mort de celui-ci, elle s'efforcera de conseiller ses fils afin qu'ils continuent l'oeuvre de leur père.

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Sainte Clotilde prie à l'église Saint-Martin de Tours, devant la statue de saint Martin.
Enluminure du Département des Manuscrits de la BNF

Profondément éprouvée par la mort de son fils Clodomir et l’assassinat de ses petits-fils par deux de ses fils, elle se retire près du monastère Saint-Martin, à Tours, où elle finira ses jours en 548.

Une rue de Paris porte son nom dans le 5ème arrondissement (juste à côté de la rue Clovis) à l'endroit où elle a été enterrée dans la basilique Sainte Geneviève, depuis remplacée par le Panthéon.

Grégoire de Tours

Il naît en 538 dans une riche famille gallo-romaine et devient en 573 évêque de Tours, véritable sanctuaire de la Gaule mérovingienne grâce au tombeau de Saint Martin qui y attirait beaucoup de pèlerins.

Grégoire est le prototype des évêques mérovingiens, trait d'union entre la latinité et la barbarie : ces derniers ont permis à Clovis, via leurs précieux conseils, de capitaliser sur le droit romain.

gr_tours.jpg (23279 octets) Ayant la plume facile, il laissera un riche témoignage de son époque : le Liber Historiae Francorum (le "Livre de l'histoire des Francs") qu'il rédige de 576 à 591, soit plus d'un demi-siècle après la mort de Clovis. Afin de pouvoir écrire sur le début du règne de Clovis, Grégoire de Tours va s’inspirer de divers documents :
  • ouvrages évoquant la vie de Saints,
  • correspondances échangées entre les évêques,
  • témoignages de ceux qui avaient entendu Clothilde évoquer dans son monastère la glorieuse épopée de son mari,
  • loi salique.

Avec quelques manuscrits d'époque et une seule lettre de Clovis qui nous soit parvenue, c'est la source d’information la plus riche concernant cette période. Cependant, il ne s'agit pas d'un livre d'histoire au sens actuel du terme :

  • on constate de très nombreuses imprécisions pour les lieux et les datations : le comptage en années de l'ère chrétienne ne sera utilisé en Gaule qu'au VIIIe,
  • de nombreuses considérations d'ordre moral ou religieux le rendent délicat à interpréter car plutôt que de relater la réalité, il montre l'homme providentiel que Dieu a hissé sur le trône de France.

Il meurt en 593 ou 594 et sera regretté par ses nombreux fidèles. 

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