Clovis, modeste roi des francs
(fin Ve)

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Clovis, modeste roi des Francs

Le nom de la dynastie des Mérovingiens viendrait de Mérovée, grand-père présumé de Clovis.

Clovis devient roi des Francs en 481 à la mort de son père Childéric (voir la découverte de sa tombe) : il n’a que 15 ans mais cet âge n’est pas choquant puisque la loi fixait la nubilité à 14 ans pour les garçons et que la moyenne d’âge était alors de 27 ans pour les hommes (et 22 ans pour les femmes) !

Il n'est à cette époque que le roi d'un modeste territoire autour de Tournai (en Belgique actuelle).

Origine du nom de Clovis

Clovis portait le nom germano-latin de Chlodowich ou Chlodovechus, qui signifie "célèbre par ses combats".

Le nom de Clovis ne lui a été donné qu'au Xe. Il aurait dû s'appeler Louis, dont la graphie correspond à la transcription correcte en français de la forme latine de son nom de Chlodovechus (qui est le nom qui apparaît dans les textes latins des Ve et VIe s).

Le prénom "Louis" gardera un destin royal pendant plus de 1000 ans, du fils de Charlemagne, Louis le Débonnaire en 814, jusqu'à Louis-Philippe, dernier roi de France en 1848.

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Comme son père, Clovis cumule une autorité militaire (chef des Francs) et civile (administrateur de la Belgique Seconde).

Il se marie avec une princesse thuringienne ou rhénane et son 1er fils, Thierry, naît probablement avant les conquêtes de 486. On ne sait que peu de choses concernant ce mariage car Grégoire de Tours, son principal chroniqueur, choisira d'ignorer cette princesse païenne et considère son fils comme un bâtard.

 

Clovis et le catholicisme

L’évêque de Reims, Saint Rémi, entretient avec lui des contacts réguliers qui vont l’inciter à respecter l’église et à s’occuper de tous les citoyens situés sur son territoire : une étrange symbiose et un profond respect naissent au contact de ce roi païen et de l'évêque catholique. Une lettre écrite par Saint Rémi et adressée à Clovis nous est d'ailleurs parvenue et est très révélatrice quant au rôle de conseil assuré par l'église.

C'est dans ce contexte et suite à l'encouragement de Saint Rémi que juste avant son avènement, Clovis entreprend "la fusion" des francs avec les gallo-romains en donnant à tous les mêmes droits et devoirs.

Cette "coopération" est bénéfique pour les deux partis :

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  • Pour Saint Rémi, ces contacts sont indispensables car il réalise que l’indépendance du clergé n’est pas possible : il doit donc composer avec les barbares et choisit ceux qui répondent le mieux selon lui aux critères de valeur du catholicisme. Les francs sont considérés comme un rempart et une épée contre l'arianisme.
  • Pour Clovis, il s'agit de profiter de l'expérience et du crédit d'une église respectée par une partie des notables et écoutée par une frange de la population gallo-romaine.

 

Début de l'expansion franque

Dès sa prise de pouvoir, Clovis est étriqué dans son étroit territoire centré sur la Belgique : il tente d’étendre son royaume avec l'aide de quelques milliers de soldats armés de lances à crochet ("framée") et de haches de jet (la fameuse "francisque").

La Gaule vers 500

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Les Francs Saliens étaient forts d'environ 200 000 personnes : un nombre incroyablement bas si on songe au rôle qu'ils vont jouer dans la Gaule romaine peuplée à l'époque d'environ 8 millions d'habitants !

Pour étendre les territoires sous son contrôle :

  • Il s'allie en 484 avec le roi franc rhénan
  • Il entre ensuite en conflit avec Syagrius, dernier représentant romain, qui a hérité du pouvoir de son père Aegidius mais ne bénéficie plus de fonction officielle suite à la chute de l'empire. Il est maître de la région de Soissons et le roi franc ne peut accepter les liens étroits qu’il entretient avec les wisigoths.
En 486, l’armée franque de Clovis écrase celle de Syagrius et pille la région conquise : c’est dans ce contexte que se déroule le fameux épisode du Vase de Soissons. Clovis hérite ainsi de la légitimité romaine et commence l’expansion de son territoire, qui comprend désormais Soissons, Senlis et Beauvais. Clovis somme les wisigoths, chez qui Syagrius s'est réfugié, de lui remettre le vaincu : ces derniers s'exécutent et Clovis fait égorger Syagrius. vase2.jpg (25730 octets)

 

  • Il s’approprie également Paris, sa future capitale, car Sainte Geneviève s’en remet à son autorité : elle bénéficie d'une extraordinaire reconnaissance dans la population suite au courage qu'elle a manifesté lorsque les huns d'Attila étaient aux portes de Paris (c'est elle qui a imploré les parisiens de ne pas abandonner leur ville).
  • Il soumet partiellement les thuringiens en 491 : cette campagne, durant laquelle il élimine les roitelets parents Ragnacaire et Chararic (qui s'était montré lâche durant le conflit avec Syagrius), lui permet de s'assurer tout le nord-est du pays avant de partir à la conquête de l'est (contre les alamans) et du sud (contre les wisigoths). Le territoire de la Thuringie n'a jamais été circonscrit avec précision par les historiens : il était probablement situé sur la rive droite du Rhin.

Enluminure du Département des Manuscrits
de la Bibliothèque Nationale de France

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Mais une expansion bien limitée ...

Cette expansion reste toutefois très limitée à la fin du Vème siècle en comparaison de celle des goths.

En effet, les ostrogoths, qui étaient jusqu’alors restés sur les terres de l’empire Romain d’Orient, envahissent l’Italie avec 100 000 personnes (dont 20 000 soldats) et la bénédiction de Zénon, Empereur Romain d'Orient. Leur roi Théodoric le Grand renverse Odoacre qui avait pris possession de l’Italie, provoquant la chute du dernier empereur romain d’Occident en 476. Odoacre signe sa reddition en 493 mais est aussitôt assassiné par son vainqueur lors d’un banquet. Une période de 40 années de prospérité recommence alors en Italie, en se basant sur une administration romaine contrôlée par les ostrogoths.

Fin stratège, Théodoric mène une "politique matrimoniale" intense pour accroître son prestige et mieux se positionner en arbitre de l'Occident : il est en effet beau-frère du roi des francs (Clovis) et du roi des vandales (qui tenaient l'Afrique et la Sicile) et beau-père du roi des wisigoths (Alaric II) et du prince héritier des burgondes !

Les ostrogoths représentent donc un obstacle de plus pour Clovis, circonscrit et isolé dans son modeste territoire : à la fin du Vème siècle, Clovis reste un petit roi face au roi burgonde Gondebaud, aux rois goths Théodoric le Grand (ostrogoths) et Alaric (wisigoths). De plus, il se marginalise en étant le seul païen face à ces trois rois ariens.

Le fameux épisode du Vase de Soissons

En 486, l’armée franque de Clovis écrase celle de Syagrius et pille la région conquise : c’est dans ce contexte que ce déroule le fameux épisode du Vase de Soissons.

Le vase provient en fait du diocèse de Reims : il s’agit d’un vase liturgique en argent qui est intégré au butin des Francs lors de la guerre opposant Clovis à Syagrius à la fin du Vème siècle.

Saint Rémi, l’évêque de Reims, envoie un messager à Clovis afin qu’il restitue cet objet mais la règle de partage des prises de guerre était stricte : chaque part, y compris celle du roi, était tirée au sort.

Afin de respecter les bonnes relations qu’il entretenait avec l’église et étant donné que le tirage au sort à Soissons (d’où le nom « vase de Soissons ») n’attribuera pas le vase à Clovis, ce dernier le réclamera en prétextant un passe-droit. Un soldat s’y oppose, frappe le vase avec une hache en disant : « tu n’auras rien que ce que le sort t’attribuera vraiment ».

Clovis s’incline, mais parviendra tout de même à échanger d’autres objets contre le vase cabossé qu’il restituera aussitôt à l’évêque : il n’a donc pas été cassé comme l’indiquent certains manuels d’histoire.


Enluminure du Département des Manuscrits de la BNF

Lors d’une revue de son armée à Soissons bien plus tard, Clovis, qui avait la rancune tenace, remarque que les armes de celui qui avait frappé le vase étaient mal entretenues : il les jette à terre et tandis qu’il se penche pour les ramasser, Clovis lui fracasse le crâne en disant : «ainsi as-tu fait à Soissons avec le vase». Il profite ainsi du droit de vie et de mort que le roi avait sur ses sujets.

Grâce à ce geste, il n’en sera que mieux respecté : les rois imposent leur autorité par la terreur !

 

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