Tout le monde connaît ne
serait-ce que de nom ce roi mythique accompagné de
ses fameux "chevaliers de la table ronde" : mais
parmi tous les faits magnifiés au cours des siècles,
quelle est la part de réalité dans cette célèbre
légende ? Et quelle est son origine ?
Localisation et chronologie
- Quand ? Le roi Arthur a existé
dans la seconde moitié du Ve siècle, soit
durant la déchéance puis la chute de l'empire
romain d'Occident.
- Ou ? En Bretagne, qui est
alors l'actuelle Grande-Bretagne : notre province homonyme
est à l'époque appelée Armorique.
Le contexte historique
La Bretagne (actuelle Grande Bretagne) est, comme le reste
de l'Europe, occupée depuis des siècles par
les romains : cette conquête a débuté
en 43 après JC. Une partie de la population autochtone
devient " romano-bretonne " : elle est très
bien romanisée tant au niveau de la culture que de
la religion, et l'armée comprend de nombreux mercenaires
bretons. Seules les tribus celtes vivant dans des contrées
difficiles d'accès restent à dominante païenne.
La situation est donc comparable à celle de la Gaule
avec ses gallo-romains.
Mais, comme en Gaule avec ses goths, francs ou burgondes,
cette province est victime d'invasions de la part :
- de tribus barbares germaniques
: angles, jutes, saxons et frisons attaquent l'est
du pays,
- de tribus venant d'Irlande
ou du nord du pays : pictes, irlandais et scots
assaillent le nord et l'ouest de la province.
Ces tribus mènent des raids de plus en plus
fréquents, et les légions romaines sont
débordées.
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Face aux invasions généralisées sur
tout l'empire romain, l'empereur Honorius décide dès
le début du Ve siècle d'abandonner la Bretagne
qui est trop difficile à protéger : les "
romano-bretons " sont donc appelés à se
défendre seuls.
La résistance " romano-bretonne
" et le roi Arthur
Les anciennes structures héritées de la
société romaine sont malmenées
par ces invasions.
Une résistance de la population " romano-bretonne
" s'organise progressivement : elle souffre au
début d'un manque d'union, et c'est dans ce contexte
que des chefs de guerre émergent.
Ces derniers sont souvent issus de l'ancienne aristocratie
romaine, et sont donc de grands propriétaires
fonciers, base originelle de la future classe féodale.
Parmi ces chefs, un certain Artus
ou Artorius aurait existé
durant la seconde moitié du Ve siècle
et le début du VIe : celui-ci serait parvenu
à unifier provisoirement les romano-bretons dans
leur lutte contre les barbares irlandais, pictes et
saxons.
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Statue "les étains du Graal" du Roi
Arthur
(merci frangin !)
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Les sources
Les sources qui le mentionnent sont rares, mais laissent
apparaître les éléments suivants :
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- il aurait été nanti du titre d'Imperator
(commandant en chef),
- il aurait remporté environ 12 batailles,
- il aurait combattu avec des cavaliers, contre des
forces barbares comportant une majorité de
fantassins. La légende idéalisera plus
tard cette chevalerie médiévale avec
ses " chevaliers de la table ronde ".
Selon la légende, il serait mort dans l'Ile
d'Avalon (Abbaye de Glastonbury) ou il s'est réfugié
chez sa soeur Morgane après son combat contre
son neveu Mordred.
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Les recherches archéologiques
De nombreuses recherches archéologiques ont été
menées depuis 1930 sur le site de Tintagel, petite
presqu'île sur les côtes des Cornouailles
(sud-ouest de l'Angleterre).
Bien que les ruines visibles datent des normands (Xe),
certains éléments datant du VIe ont été
découverts (fin de l'épopée arthurienne).
Ce site pourrait avoir été la résidence
d'un riche personnage vivant à la mode romaine.
En 1998, une pierre gravée du nom de " artognov
" a été découverte, alimentant
encore le mystère ! |
Site de Tintagel
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Camelot, le château mythique du roi Arthur, correspondrait
à la ville romaine de "Camulodunum "
(Colchester au nord-est de Londres), qui partageait
avec Londinium (Londres) le siège du gouverneur
de la province du temps de l'occupation romaine.
Selon la légende, Camelot attirait de partout
les chevaliers désireux de se joindre à
la Table Ronde : ils partaient chercher aventure, gloire
et renommée et cette quête deviendra un
symbole de recherche de l'absolu ... le Graal.
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Illustration Alan Lee, 1984
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Globalement, les sources écrites fiables et les découvertes
archéologiques sont très rares : les polémiques
d'historiens ne sont donc pas prêtes à s'éteindre.
Arthur et son mythe au cours du
temps
Le début du mythe : la
légende arthurienne est alimentée dès
le VIe par des récits populaires en Pays de Galle et
en Irlande, puis les allusions à ce mythe se multiplient
dans les textes latins dès le IXe siècle.
"Propagande politique"
du roi Henri I (voir
son arbre généalogique): le roi d'Angleterre
Henri I (1100 - 1135) désirant rallier les Celtes
de son royaume et pacifier ses nouvelles conquêtes
en Pays de Galle utilise à son profit la légende
arthurienne.
L'épopée arthurienne circule alors dans
tout le pays sous forme de lais (conte en prose comportant
un dénouement lyrique en vers), puis en Europe
: Chrétien de Troyes y fait allusion en France
en 1120 dans " Conte del Graal ".
Le Plantagenêt exploite donc la légende
du roi Arthur pour se constituer une ascendance glorieuse,
dans un but de légitimisation politique.
Epoque des grands romans et oeuvres
cycliques : entre 1170 et 1180, la littérature
arthurienne connaît une immense ferveur : c'est
l'époque des grands romans évoquant Tristan.
Les gens d'église se plaignent d'ailleurs de
l'intérêt que les moines portent à
ces sujets profanes.
La légende arthurienne s'organise alors en oeuvres
cycliques : elles ont pour ambition de relater en prose
la chronique totale de la Bretagne depuis les temps
évangéliques jusqu'à la mort d'Arthur.
Le 1er romancier cyclique est Robert de Boron (vers
1190) : c'est lui qui introduit le Graal comme étant
le récipient qui a recueilli le sang du Christ,
puis associe le saint sang à une sainte lance.
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Qu'est-ce que la littérature
arthurienne ?
La littérature arthurienne possède les caractéristiques
suivantes :
- elle cultive les mystères de la féerie celtique,
- elle fait une large part à l'amour courtois,
- elle met en valeur le prestige du cérémonial
courtois,
- elle glorifie la loyauté et le dévouement
du roi Arthur et introduit les valeurs de code de la Chevalerie.
Il est présenté comme un souverain idéal
: il entretient avec ses chevaliers (Yvain, Lancelot, Perceval,
...) des relations parfaites en siégeant autour de
la "Table Ronde".
(voir une fabuleuse
photo des chevaliers de la collection des Etains du
Graal)
Qu'est-ce que la
légende du Graal ?
- la coupe du Graal aurait été taillée
par les anges dans une émeraude tombée du
front de Lucifer lors de sa chute. Elle aurait ensuite été
confiée à Adam, qui l'aurait perdu après
le péché originel, puis Seth l'aurait retrouvé,
et de là elle serait parvenue jusqu'au Christ.
- Joseph d'Arimathie aurait récupéré
le calice de la Cène (le dernier repas du Christ),
et l'aurait amené jusqu'en Bretagne, en passant,
entre autres, par la forteresse de MontSégur, dernier
fief cathare. A partir de la Bretagne, serait partie la
Quête du Graal (Arthur et ses amis) qui aurait aboutie
entre autres en Armorique.
Arthur est donc un personnage situé
aux frontières du réel et de l'imaginaire. Son
identité historique est attestée mais la légende
et la littérature vont lui donner une seconde existence
: un mythe, alimentant à la fois des enjeux politiques
et le rêve chevaleresque.
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Film "Roi Arthur",
sorti en 2004 en France, réalisé par Antoine
Fuqua
On ne peut objectivement pas juger du respect de la
réalité historique ... car qui peut se
vanter de la connaître ? Il s'agit d'une interprétation
parmi tant d'autres, l'important ayant été
selon moi de respecter le contexte de cette période
dans un film d'action bien rythmé avec des batailles
grandioses.
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