Bataille d'Alésia en 52 av JC

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Le contexte

Après la défaite romaine du siège de l'oppidum (place forte) de Gergovie durant lequel Vercingetorix a bénéficié de la trahison des Eduens vis à vis de César, les armées romaines fuient à la recherche de renforts en 52 avant JC.

(Gergovie est situé près de Clermont-Ferrand, avec 2 hypothèses qui s'affrontent depuis des années : au nord ou au sud de la ville).

Photos du film "Vercingetorix" de Jacques Dorfmann avec Christophe Lambert (2000) :


Armée gauloise pendant la guerre des Gaules


Armée romaine pendant la guerre des Gaules

Vercingetorix tente de couper le contact des romains avec les troupes germaines prêtes à appuyer César en échange d'une part du butin : le choc a lieu près de Montbard et la cavalerie gauloise est décimée : l'organisation et la stratégie de défense romaine auront raison des attaques anarchiques des gaulois.

Le chef gaulois met alors le reste de ses troupes en retraite vers l'oppidum d'Alésia avec 80000 soldats et envoie des cavaliers à la recherche de renforts dans toute la Gaule.

Le dispositif défensif romain

César décide d'assiéger les gaulois en profitant de leur retraite improvisée. Afin d'éviter la tenaille dont il fut victime lors du siège de Gergovie, César fait preuve d'une exceptionnelle maîtrise de l'art du siège en entreprenant une double protection de lignes fortifiées :

  • l'une de 15km orientée vers l'oppidum pour résister aux tentatives de sortie des 80000 gaulois retranchés : la contrevallation,
  • l'autre de 20km orientée vers l'extérieur pour résister à l'armée de secours demandée par Vercingétorix aux autres peuples gaulois pour lui venir en aide : la circonvallation.

L'armée romaine est alors composée de 10 à 12 légions, soit près de 70000 légionnaires (dont certains étaient d'ailleurs des gaulois !).

Afin de gêner au maximum l'approche des enceintes, une série de pièges sont établis :

  • des pointes de fer sont enfoncées dans le sol,
  • des trous profonds de 90cm sont disposés en quinconce avec au fond de chacun d'eux un pieu pointu. Les trous sont ensuite camouflés par des broussailles,
  • 5 lignes de fossés profonds de 1,50m sont creusées, dans lesquelles sont fixées des grosses branches attachées les unes aux autres,
  • 2 autres fossés de 4,50m de large et profonds de 2,50m sont creusés, et dont l'un est rempli d'eau,
  • enfin, les branches pointues sont fixées au rempart de terre pour en compliquer l'escalade.

Reconstitution d'une enceinte et des pièges : archéodrome de Bourgogne.

La bataille

250 000 gaulois appuyés de 8000 cavaliers arrivent au secours de Vercingétorix environ 2 mois plus tard. Les 2 premiers assauts sont repoussés et le 3ème voit une implication de toutes les forces disponibles : les défenses sont enfoncées mais les cavaliers germains alliés des romains chargent et les troupes de secours, décimées, s'enfuient.

La reddition de Vercingétorix


Vercingétorix jette ses armes devant César, tableau de L.Royer (1888)

Acculé, Vercingetorix se rend à César et sera assassiné en prison en 46. Cette défaite accélère la progression romaine : César se rend maître de la Gaule dans les mois qui suivent cette victoire.

Les deux versions de la rencontre entre Vercingetorix et César :

César écrit : «César ordonne que les armes soient rendues, que les chefs soient conduits à lui. Lui-même s’assied dans le retranchement, devant le camp. Les chefs y sont conduits. Vercingétorix se rend. Les Eduens et les Arvernes furent mis à part, pour le cas où il pourrait, grâce à eux, reprendre des villes. Les autres captifs sont distribués à toute l’armée comme butin, à raison d’un prisonnier par personne».

C’est plus romanesque chez Plutarque (Vie de César) et c’est cette image que l’on a conservée :«Les assiégés, après s’être donné bien du mal à eux-mêmes et en avoir donné beaucoup à César, finirent par se rendre. Vercingétorix, qui avait été l’âme de toute cette guerre, fit parer son cheval, prit ses plus belles armes et sortit ainsi de la ville. Puis, après avoir fait caracoler son cheval autour de César, qui était assis, il mit pied à terre, jeta toutes ses armes et alla s’asseoir aux pieds de César où il se tint en silence, jusqu’au moment où César le remit à ses gardes en vue de son triomphe».
Les renseignements d'ordre historique que Plutarque a rassemblé dans ses ouvrages sont très précieux concernant le siège d'Alésia, mais ont suscité de nombreux débats parce qu'ils comportent des précisions que ne fournissent pas les textes de César.

Polémique concernant la localisation d'Alésia

  • Alise-Sainte-Reine en Bourgogne : l'assimilation d'Alise-Sainte-Reine avec Alésia a été consacrée par Napoléon III dans les années 1860. Après avoir encouragé des fouilles, la "Commission de topographie de la Gaule" confirme que ce site a été le lieu de la bataille mais les méthodes de manipulation et les conclusions autoritaires firent l'objet de vives critiques.
    Aujourd'hui, un musée et les restes d'une cité gallo-romaine, donc datant d'après Alésia, se visitent sur le site.

Napoléon III fait ériger en 1865 une statue de Vercingétorix haute de 7m : elle est réalisée par le sculpteur Millet et située sur la pointe occidentale du Mont-Auxois.

Le chef gaulois est représenté tel qu'on pouvait imaginer les gaulois au XIXe : les connaissances actuelles mettent en relief certains anachronismes, et on note que son visage ressemble étrangement ... à celui de Napoléon III !

Sur le socle, dessiné par Viollet-le-Duc, est gravée l'inscription :

La Gaule unie
Formant une seule nation,
Animée d'un même esprit,
Peut défier l'Univers.

Vercingétorix aux Gaulois assemblés (César, Guerre des Gaules, livre VII,29)
Napoléon III, Empereur des Français, à la mémoire de Vercingétorix.

Anecdote : sur le bas de sa tunique, on observe des impacts de balles car pendant l'occupation de 39-45, des soldats allemands prenaient la statue pour cible afin de s'exercer au tir !

Cette plaque a été retrouvée sur le site d'Alise Sainte-Reine, et comporte l'inscription "d'ALISIIA", dénomination gauloise d'Alésia. Un argument de plus pour le site !

Des analyses récentes mettent en lumière le fait que la superficie du site est trop réduite par rapports aux 80 000 fantassins, aux cavaliers et à leur monture : on approche des 1000 individus à l'hectare, soit quatre fois plus que les limites tolérables.

  • Chaux-des-Crotenay en Franche-Comté dans le Haut-Jura au sud de Champagnol : ce site répond très précisément à toutes les exigences du texte de description (Bellum Gallicum).

L'analyse pertinente d'André Berthier :

En 1960, un conservateur des Antiquités, André Berthier, se base sur une analyse approfondie des commentaires de Jules César sur la guerre des Gaules. L'objectif de cet écrit était certes de se faire valoir aux yeux du Sénat romain, mais outre le fait que "l'omission utile" et les ellipses soient pratiques courantes, on peut supposer qu'il constitue une réserve relativement fiables d'indices.

En latiniste chevronné, il dissèque le texte ligne par ligne afin d'inventorier les indices topographiques, puis récupère les cartes d'état major de l'est de la France et se lance dans un long travail d'éliminations. Initialement, 200 hauteurs pourraient accueillir un oppidum, mais en tenant compte des autres indices (cours d"eau, talus, falaise, orientation, ...), il identifie un seul site qui coïncide à 100% : Chaux-des-Crotenay !

 

  • Alaise dans le Doubs (25 km au sud de Besançon) : l'argument en sa faveur, en plus de la toponymie, est d'être en Séquanie, où des auteurs placent indubitablement Alésia, alors qu'Alise-sainte-Reine se trouve en pays Eduen.

Vercingétorix, héros national... seulement depuis le XIXe

Vercingétorix est resté pendant longtemps un héros méconnu, voire oublié : l'histoire officielle de l'Ancien Régime commençait avec les francs de Clovis car les prédécesseurs gaulois n'apportaient rien à la légitimité et la gloire du système monarchique.

Le chef gaulois va revenir à la mode à la fin du XIXe pour 2 raisons liées au contexte politique de l'époque :

  • la France du second Empire vient d'être écrasée par la Prusse en 1870 : elle a subit les humiliations de la défaite, de l'occupation du pays et de l'annexion de l'Alsace/Lorraine par l'Allemagne. Dans ce contexte d'honneur meurtri, la propagande officielle est à la recherche de héros montrant qu'on peut être "grand" dans la défaite.
  • la République vient de remplacer l'Empire et les conflits sont rudes entre les tendances républicaines, les monarchistes et les bonapartistes : la question de l'association de l'Eglise et de l'Etat les divise. La propagande officielle républicaine et à tendance anticléricale cherche à valoriser un héros national lié ni à l'Eglise ni à la monarchie.

Vercingétorix apparaît donc comme l'homme de la situation : la toute nouvelle école publique obligatoire de Jules Ferry va contribuer à populariser ce héros providentiel ... qui attendait cela depuis presque 2000 ans !

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