Naissance puis évolution du français

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Le français ne s'est pas imposé dans tout le royaume simplement : de nombreux jalons ont ponctué sa généralisation sur tout le territoire. Utilisé une 1ère fois lors d'un serment au IXe, notre langue sera ensuite retenue pour traduire la Bible au XVIe, puis comme comme "langue administrative". C'est la révolution qui va engager son développement avant que l'école ne l'intègre dans son enseignement.

Rappel du contexte au IXe

Dans le but louable de préserver de l'unité de l'Empire après sa mort, Louis-le-Pieux promulgue en 817 un capitulaire pour régler de son vivant sa succession entre ses 3 premiers fils : Lothaire Ier, Pépin Ier et Louis le Germanique.

Mais Louis-le-Pieux aura un nouveau fils, Charles-le-Chauve, avec sa nouvelle et ambitieuse épouse Judith de Bavière et le roi revient sur le partage initialement prévu : cela va rompre l'équilibre prévu en remettant en cause le partage entre ses 3 premiers fils.

Après des années de conflits et la mort du roi et de Pépin Ier en 840, Lothaire tente de s'approprier la plus grande part de l'héritage : une guerre de succession s'engage alors avec Louis-le-Germanique et Charles-le-Chauve qui s'unissent contre lui et rédigent un serment à Strasbourg en 842.

En savoir plus sur cette difficile succession

Manuscrit du XVe, Grandes Chroniques de France, BN

Le plus ancien texte français connu

Le serment de Strasbourg est le plus ancien texte en français connu : il constitue un pacte de non agression en engageant les 2 rois à coopérer pour préserver le partage territorial suivant :

  • Charles-le-Chauve hérite de la partie occidentale qui se nommera Francia Occidentalis : la langue romane est la plus courante sur son territoire,
  • Louis-le-Germanique obtient les terres situées à l'est du Rhin et au nord des Alpes, et c'est la langue germanique qui est la plus courante sur ses terres.

Le latin, symbole de l'unité impériale ruinée par la fondation des 2 royaumes, ne peut être la langue de rédaction du serment. Afin que cet accord de coopération soit compréhensible par tous les chefs de guerre, il est donc rédigé et juré à la fois en roman (français) et en langue germanique.

Absence d'unité linguistique

Le peuple a globalement cessé de parler le latin depuis la fin de l'empire romain d'Occident à la fin du Ve. A partir du début du IXe, le latin devient ainsi une langue "sacrée", maîtrisée par les clercs et est la seule autorisée pour transmettre le savoir dans le système scolaire qui est sous le contrôle du clergé : c'est ainsi que se créera plus tard autour de la Sorbonne le "Quartier Latin". De ce latin dit "vulgaire", vont progressivement dériver deux ensembles de langues romanes qui cohabitent et comportent chacune de nombreuses variétés de dialectes :

  • les langues d'oïl dans le nord avec le picard, normand, angevin, champenois, saintongeais, … : cette région était encore très germanique et de nombreux seigneurs composaient le système féodal.
  • les langues d'oc (ou occitan) dans le sud avec le limousin, auvergnat, languedocien, gascon, provencal, … : les langues de cette région qui a baigné durant des siècles dans la culture romaine se rapprochent du latin (l'usage du droit romain était d'ailleurs courant).

"Oïl" et "Oc" correspondent aux transcriptions phonétiques de la façon de prononcer "oui".

Le roman est une synthèse de ces langues et utilise les formes les plus communes des dialectes : il devait donc être compris par la majorité de la population, mais non maîtrisé. L'éclosion des différents dialectes est de plus amplifié par le système féodal qui fait de la France un puzzle de seigneuries.

Traduction de la Bible en Latin

Le latin n'étant plus une langue vivante, l'Eglise en maintient la survie et la "Vulgate", traduction de la Bible en latin par Saint Jérôme à la fin du IVe, devient le lien entre tous les chrétiens d'Occident via les membres du clergé. C'est ainsi que ces derniers maintiennent un véritable "monopole" des textes sacrés en latin, que le peuple n'est pas en mesure de comprendre.

Saint Louis, suivi dans les siècles suivants par d'autres rois, commande en 1250 une traduction de la Bible en français, mais l'oeuvre n'est pas fidèle et prend des libertés avec les textes d'origine.

C'est dans ce contexte que les humanistes du XVIe s'attaquent à une traduction exacte afin d'en retrouver la teneur originelle et rendre les paroles du Christ directement accessibles au peuple.
Jacques Lefevre d'Etaples, qui a fait ses études à l'Université de Paris, va ainsi traduire la "Vulgate" en français et fait imprimer en 1200 exemplaires un Nouveau Testament en 1523 dédié à "tous les Chrestiens et Chrestiennes".
La Sorbonne, fidèle à l'Eglise, tente de s'opposer à cette initiative en décrétant cette traduction "néfaste à l'Eglise" : la parole divine, par définition immuable, n'est pas adaptée à la langue "vulgaire" en permanente évolution.
C'est pourquoi la traduction de l'Ancien Testament quelques années plus tard sera imprimée loin de Paris à Anvers, capitale "libre" de l'imprimerie.

Ordonnance de Villers-Cotterets

Cette ordonnance, promulguée par François Ier en 1539, marque l'entrée officielle du français dans la vie du royaume : afin de favoriser une meilleure compréhension entre les parties, les textes et débats doivent être réalisés en français dans les tribunaux et les administrations en remplacement du latin.

Toutefois, il ne faut pas en conclure que tous les français parlent cette langue : au XVIe, seule 10 à 20% de la population parle la langue du roi !

La généralisation puis l'enseignement du français

A la fin du XVIIIe, beaucoup d'élèves apprennent encore à lire en latin qui reste la seule langue pour la transmission du savoir et le français est enseigné de manière rudimentaire : simples notions d'orthographe et de grammaire. La classe se fait principalement encore en dialecte local afin de se faire comprendre des élèves : c'est en effet ce dialecte local qui est employé quotidiennement par le peuple.

La révolution va considérer le français comme le ciment de l'unité nationale : le plan Talleyrand prévoit de n'enseigner que le français afin de chasser cette "foule de dialectes corrompus, derniers vestiges de la féodalité".

C'est ainsi que les dialectes locaux cèdent progressivement la place à un enseignement du français : il est cité dans la loi Guizot de 1833 : "l'instruction primaire comprend nécessairement […] les éléments de la langue française".

Puis Jules Ferry (Ministre de l’Instruction publique de 1879 à 1883) et Jules Simon introduisent dans l'enseignement vers 1880 la notion de rédaction et de composition, puis l'étude de la littérature afin d'évoquer la dimension culturelle de la langue française.


Jules Ferry


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