Un port à l'intérieur
des terres
Un débouché sur la mer Méditerranée
faisait défaut au royaume de France : la Provence est au
début du XIIIe sous contrôle du Saint Empire Germanique,
Montpellier est sous possession du roi d'Aragon et l'Aquitaine anglaise
n'est pas loin à l'ouest.
Dès le début de son règne, Saint Louis achète
aux moines de l'abbaye de Psalmodi des terres marécageuses
près de Nîmes qu'il fait aménager à partir
de 1241 : le port sera un point d'accès aux riches échanges
commerciaux de la Méditerranée et sera utilisé
pour le départ des 7 et 8ème croisades.
Aigues-Mortes n'est pourtant pas un port : elle est située
au sud-est de Montpellier
sur les rivages d'une immense lagune qui ne communique avec la mer
que par un chenal creusé à travers les étangs
sur une longueur de 6km.
Le roi y attire la population en accordant à la ville une
charte très libérale de privilèges et en forçant
tout bateau croisant à proximité à y faire
relâche en acquittant un droit : la ville devient ainsi une
place économique importante pour le commerce avec le pays
du levant.

Photo JFM - Statue de Saint Louis,
sur la place du même nom à Aigues Mortes
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Photo JFM - Plaque en mémoire
des appels aux VIIe et VIIIe croisades,
sur l'église Notre Dame des Sablons
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Texte sur la plaque : "A la mémoire
de Saint Louis et de ses chevaliers qui reçurent la croix
en cette église des mains des Cardinaux-Légats E.
de Chataupoux et P. de Chevpièpes pour la VIIe 25 août
1248 et la VIIIe croisade 1er juillet 1270 - Dieu le Veut"
Les fortifications
Saint-Louis fait édifier la Tour de Constance (voir le N°12
sur le plan) ainsi qu'un 1er château actuellement disparu
pour protéger la côte, le port et la ville. Elle est
reconnaissable à sa lourde silhouette et à la lanterne
de son phare : le feu était protégé par une
structure en fer sur laquelle était fixée des vitres.
Chaque navire passant en vue de cette tour devait payer la taxe
portuaire. Cet ouvrage était imprenable avec sa passerelle
d'accès surplombant un fossé, ses portes successives
protégées de herses et d'assommoirs.
Cette tour tirera sa célébrité en devenant
une célèbre prison, enfermant notamment le neveu de
Saint Louis ainsi que d'illustres personnages, des templiers ou
des bonapartistes.
Elle est aussi connue pour avoir été une prison pour
femmes protestantes : la révocation en 1685 de l'Edit de
Nantes qui reconnaissait la religion protestante va causer dans
le Languedoc et dans les Cévennes la "guerre des camisards",
qui pourchassera les huguenots qui refusaient de se convertir au
catholicisme. Marie Durand, avec son inébranlable foi, restera
ainsi prisonnière 38 ans !
Photo JFM - Tour de Constance, cylindre
de 30m de hauteur
pour un diamètre de 20m
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Photo JFM - Archère dans la muraille,
avec sièges latéraux
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Symbole de la résistance
à l'intolérance religieuse
Marie Durand naît en 1712 : elle est issue d'une famille
protestante qui, suite à la révocation en 1685
de l'Edit de Nantes, sera persécutée. Après
sa mère puis son père, elle est arrêtée
par les Dragons du Roi avec une vingtaine d'autres femmes.
Agée de 18 ans, elle restera enfermée 38 ans,
et se distinguera par son dévouement envers ses compagnes
de captivité et son refus d'abjurer la foi protestante.
Elle incarne le symbole de la résistance à l'intolérance
religieuse. Elle mourra huit années après sa
libération dans sa maison natale, dans laquelle se
trouve aujourd'hui le musée du Vivarais Protestant.

Photo JFM : Cette stèle a été
inaugurée en 1968 à l'occasion du bicentenaire
de la libération des prisonnières.
On y voit : une galère, sur laquelle ramaient les huguenots
condamnés, la grille, symbole de prison et la croix
huguenote.
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Photo JFM : Salle basse de la Tour avec sa magnifique voûte
à 12 quartiers et sa coursière intérieure
dont on aperçoit 3 fenêtres, et qui permettait
d'en contrôler l'accès
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Photo JFM : Passerelle d'accès à la Tour surplombant
l'ancien fossé
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Le système de fortification sera ensuite complété
entre 1272 et 1310 sous les règnes de son fils Philippe III
le Hardi et de son petit-fils Philippe IV le Bel : il est constitué
d'une enceinte longue de 1700m dessinant un quadrilatère,
dont les murs mesurent 11m de hauteur pour 2 à 3m d'épaisseur,
et comportant 6 tours et 10 portes fortifiées.

Photo JFM - Vue du haut de la Tour de Constance avec la Porte de
la Gardette à droite

Photo JFM - Tour de l'Organeau et la Porte des Moulins

Photo JFM - Front sud-ouest (long de 510m) :
Tour des Bourguignons au fond à gauche, Tour de la Poudrière
à l'angle et Porte de la Reine à droite.
Il s'agit du mur qui possède le plus de portes car, donnant
initialement sur l'étang, il permettait l'accès aux
quais d'embarquement.
Photo
JFM - Vue de l'étang depuis la muraille sud-ouest, qui était
initialement relié à la mer.

Photo JFM - Front sud-est (long de 325m) vu
des vignes du Languedoc : Tour de la Poudrière à gauche
et Porte de la reine à droite

Photo JFM - Vue des coursives : Tour de Constance au fond à
gauche et la Tour de Villeneuve à droite

Photo JFM - Vue des coursives depuis la Porte des Moulins. On aperçoit
au fond à gauche la Tour de Constance.
Aigues-Mortes restera prospère jusqu'au milieu du XIVe et
Jacques Coeur y attachera sa flotte au XVe. Mais la citadelle va
progressivement décliner car les chenaux s'ensableront suite
au manque d'entretien causé par la concurrence de nouveaux
ports rattachés au royaume de France : Montpellier en 1349
puis Marseille en 1481. Depuis, l'ancien port royal est inutilisable
... mais est devenu un site touristique prisé !
Plan de la ville
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1 Tour de Villeneuve
2 Porte des Cordeliers
3 Porte de la Reine
4 Tour de la Poudrière
5 Porte de l'Arsenal
6 Porte de la Marine
7 Porte des Galions
8 Porte des Moulins
9 Porte de l'Organeau
10 Tour des Bourguignons
11 Portes des Remblais
12 Tour de Constance
13 Porte de la Gardette
14 Tour du Sel
15 Porte St Antoine
16 Tour de la Mèche |
On voit sur ces photos que cette citadelle semble ancrée
pour la postérité au milieu des lagunes, des marais
et des vignes.

Vue
satellite d'Aigues Mortes : photo IGN, visible sur le site Geoportail
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